Les premières images de l'IRM Iseult le plus puissant du monde, avec son champ magnétique inégalé de 11, 7 T, sont remarquables. Obtenues sur vingt personnes volontaires en bonne santé, elles valident la réussite scientifique et technologique d'un projet démarré il y a plus de vingt ans.
2000 : le CEA lance à Saclay le projet de construction d'un centre de recherche pour l'innovation en imagerie cérébrale, qui allait devenir en 2007 NeuroSpin. Dès le début, les pionniers du CEA-Joliot envisageaient la réalisation d'un IRM en champ intense à 11,7 T. Comme aucun industriel ne put répondre à leur demande, c'est vers les experts du CEA-Irfu, spécialistes des aimants supraconducteurs pour les expériences du Cern ou pour les tokamaks de fusion, qu'ils se sont tournés.
Une prouesse scientifique et technologique
L'aimant a vu le jour en 2017 à Belfort dans l'usine d'Alstom. Après un long périple, y compris à travers Paris sur la Seine, le mastodonte de 132 tonnes, de 5 mètres de longueur et de diamètre avec un tube de 90 cm de diamètre pour accueillir un corps humain entier, il était installé à Saclay. Le 18 juillet 2019, Iseult atteignait son champ nominal de 11,7T, un record mondial.
Avec leurs partenaires, les chercheurs ont ensuite procédé à de très nombreux tests, optimisations et développements de tous les composants du système IRM : usine cryogénique ; antenne ; système de gradients ; logiciels d'acquisition du signal et de reconstruction des images, intégrant notamment de l'IA.
En octobre 2021, Iseult obtenait ses premières images, celles d'un légume de saison, le potimarron ! Une réussite qui permis aux chercheurs de lancer fin 2023 leur première étude sur des personnes volontaires en bonne santé, suivant un protocole médical rigoureux pour s'assurer de l'innocuité d'un tel champ magnétique. ce faisant, les équipes ont eu la grande fierté de présenter le 02 avril 2024 des images qui, en plus de valider la performance de cet instrument de recherche qui n'est pas encore en fonctionnement nominal, annoncent une nouvelle ère dans l'exploration du cerveau.
Répondre à des questions fondamentales et améliorer la prise en charge des pathologies cérébrales
Les neuroscientifiques espèrent en effet beaucoup des capacités de l'IRM Iseult à répondre à des questions fondamentales. Parmi elles :
- Comment l'information est-elle codée dans chacune des aires du cerveau ?
- Comment l'activation d'une succession de « codes neuraux » induit-elle le langage, la lecture ou encore le calcul ?
- Que se passe-t-il dans le cerveau lors du sommeil ou d'une anesthésié générale ?
- Quelle est précisément la singularité du cerveau humain par rapport à celui d'autres espèces animales ?
L'espoir réside également dans l'intérêt des données pour une meilleure prise en charge de certaines pathologies. Par exemple :
- Identifier et localiser avec précision le foyer d'une épilepsie pharmaco-résistante pour guider le chirurgien ;
- Mieux cibler la distribution de médicaments, comme le lithium administré lors des troubles bipolaires ;
- Optimiser le diagnostic des maladies neurodégénératives, des gliomes, ou encore des malformations vasculaires cérébrales congénitales ou acquises.
« C'est une grande fierté de voir se concrétiser le projet Iseult. La force du CEA a été de réunir en un lieu unique des compétences pluridisciplinaires et de mobiliser le savoir-faire technologique dans les aimants supraconducteurs, développé par le CEA-Irfu pour d'autres disciplines. Ainsi, les neuroscientifiques, physiciens, mathématiciens et médecins du CEA-Joliot ont pu développer les outils et les modèles permettant de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau normal et pathologique et permettre de repousser les limites de l'exploration du cerveau », a indiqué Anne-Isabelle Etienvre, directrice de la Recherche fondamentale du CEA, lors de l'évènement.
Le projet Iseult
Le projet s'intègre dans une coopération franco-allemande initiée en 2006. Il fédère près de 200 personnes, des scientifiques de l'Irfu et de Joliot ainsi que des partenaires industriels et académiques :
- Alstom devenu GE, fabrication de l'aimant ;
- Siemens Healthcare, installation des composants complémentaires du système IRM (antenne, gradients) ;
- Guerbet, fabricant d'agents de contraste, qui a utilisé la plateformes d'IRM à très haut champ du CEA pour évaluation, sélection et fabrication d'agents de contraste à fort potentiel d'application chez l'Homme ;
- Université de Freiburg (Allemagne), développement de nouvelles technologies et méthodes pour l'IRM à ultra haut champ.
Le projet Iseult a bénéficié du soutien financier d'agences publiques françaises, via la BPI, et allemande, celle du ministère fédéral de l'Education et de la Recherche.