Le principe d'une expérience de spectrométrie neutronique à temps de vol consiste à exposer un matériau à des paquets de neutrons et à mesurer le « temps de vol » des neutrons diffusés jusqu'au détecteur, ce qui permet de calculer leur diffusion inélastique (leur variation d'énergie). Les chercheurs utilisent ces données pour analyser les processus à l'œuvre dans le matériau sous l'effet du faisceau de neutrons (excitation, processus de relaxation ou de diffusion) et en déduire les propriétés dynamiques du matériau, en lien avec sa structure.
Des performances de premier rang international
Le spectromètre neutronique à temps de vol Sharper compte 240 détecteurs de deux mètres de haut qui permettent de déterminer précisément la position d'impact des neutrons. Ils sont disposés à l'intérieur d'une chambre de 23 m3, sous vide (10-3 mbar) pour limiter le bruit de fond et optimiser la définition des spectres de diffraction. La combinaison de ces paramètres avec un flux de neutrons élevé conduit à une très bonne résolution en énergie (50 μeV).
La gamme de longueurs d'onde incidentes a aussi été élargie, sa limite basse passant de 4 à 2 Å. En 2026, l'ajout d'un monochromateur supplémentaire permettra de porter la limite haute de 6 à 12 Å, avec une résolution de 10 µeV.
Les spectromètres neutroniques sont très utiles dans de nombreux domaines scientifiques et industriels (énergie, santé, physique quantique, environnement, etc.). Les performances inégalées de Sharper ainsi que sa capacité à collecter de grandes quantités de données en un minimum de temps, en font une référence internationale pour étudier le comportement des matériaux complexes utilisés dans l'informatique quantique, la microélectronique de pointe ou le stockage d'énergie.
Depuis 2017, les améliorations successives du modèle IN6 en Sharp, puis Sharper, ont permis de gagner un ordre de grandeur en taux de comptage. Après une phase de démarrage en 2024, l'équipe s'apprête à accueillir les utilisateurs dès juin 2025.
Installé à l'Institut Laue Langevin de Grenoble, la ligne Sharper a été construite et est pilotée par Jean-Marc Zanotti du LLB/MMB (UMR CEA/Iramis - CNRS) en collaboration avec Quentin Berrod du laboratoire SyMMES (UMR CEA/Irig - CNRS).