Un réseau de neurones pour réduire le temps d’examen tout en conservant la qualité d’images
Parmi les approches d’intelligence artificielle qui ont le vent en poupe, le deep learning et ses réseaux de neurones artificiels intéressent particulièrement les développeurs d’algorithmes indispensables dans la reconstruction d’images obtenues par résonance magnétique. Les réseaux de neurones artificiels permettent de reconstituer des images d’une qualité similaire à celles obtenues à partir de jeux de données complets, en n’acquérant qu’une faible fraction des données, à peu près un huitième. C’est donc in fine l’assurance de réduire le temps d’examen pour chaque patient et d’accroître le nombre de prises en charge chaque jour à l’hôpital. Par ailleurs, ces algorithmes reconstruisent les images beaucoup plus rapidement que les méthodes antérieures (10 à 100 fois plus vite).
Et ce n’est pas un hasard si les géants du numérique s’y intéressent. Facebook AI Research et le NYU Langone Health ont récemment lancé une compétition internationale « Brain Fast MRI Challenge », visant à comparer les performances de différentes architectures de réseaux de neurones. Annoncés le 6 décembre 2020, lors de la conférence internationale annuelle Neural Information Processing Systems (NeurIPS), grand évènement du machine learning, Zaccharie Ramzi, étudiant en thèse sous la supervision de Philippe Ciuciu (NeuroSpin, équipe PARIETAL Inria-CEA) et de Jean-Luc Starck (Cosmostat, CEA, CNRS) se sont classés deuxième avec leur algorithme ; application concrète de leur projet commun Cosmic1, qui mutualise les compétences en deep learning des deux équipes pour réduire le temps d’acquisition d’images sans contraindre leur qualité. Un succès d’autant plus mérité que la concurrence était rude avec 19 équipes en lice dans leur catégorie.
Zaccharie Ramzi ©DR
Philippe Ciuciu (NeuroSpin, équipe PARIETAL Inria-CEA) et Jean-Luc Starck (Cosmostat, CEA, CNRS) ©DR
La publication de données en accès libre avait incité les trois chercheurs du CEA à établir une analyse comparative de plusieurs réseaux neuronaux profonds utilisés en IRM. L’équipe Cosmostat du CEA-Irfu a apporté au projet son expertise sur la reconstruction d’images issues de grands relevés astrophysiques comme les algorithmes, les reconstructions d’image 3D et leur représentation. L’équipe de NeuroSpin2, infrastructure de recherche sur le cerveau rattachée au CEA-Joliot, quant à elle, a apporté ses connaissances en IRM et son savoir en génie logiciel. Les problématiques entre les images astrophysiques et en imagerie médicale sont les mêmes : des données manquantes et un bruit de fond qui domine sur les mesures. Cette collaboration a déjà permis d’importantes avancées avec des temps de calcul d’images astrophysiques réduit par dix après optimisation et des temps d’acquisition IRM en imagerie 2D multicoupes passant de 4 minutes à 18 secondes grâce aux stratégies compressées implémentées.
Un article dédié à ce challenge et cosigné à la fois par les organisateurs du challenge, notamment Matthew Muckley de Facebook AI Research et Florian Knoll, NYU Langone Health, ainsi que les trois équipes de finalistes, sera publié en 2021 dans la revue IEEE Transactions in Medical Imaging.
Une technologie pour améliorer la qualité des images des IRM à haut champ
Par ailleurs, le CEA et Siemens Healthineers ont signé un accord de licence non exclusive qui concède à la société allemande des droits d’exploitation sur une technologie qui améliore sensiblement la qualité des images obtenues par IRM à haut champ. La technologie « kT-points® », une méthode de transmission radiofréquence, a été développée et brevetée par une équipe de physiciens dirigée par Alexis Amadon, au sein de NeuroSpin.
L’arrivée sur le marché hospitalier d’IRM à 7 teslas, suscite un grand intérêt en recherche clinique. En effet, l’augmentation du champ magnétique entraîne l’augmentation du rapport signal sur bruit des images, ce qui se traduit par une augmentation de la résolution spatiale. Autant d’informations supplémentaires à la disposition des médecins radiologues pour déceler des signes, jusqu’ici invisibles, révélateurs de maladies du système nerveux, neuromusculaires…
Comparaison des images obtenues par IRM à haut champ avec et sans la technologie « kT-points® ». ©DR
Néanmoins, ce bénéfice théorique est contrebalancé par des contraintes techniques nouvelles et l’apparition d’artéfacts spécifiques liés à ces hauts champs. Ainsi, l'équipe d'Alexis Amadon, a développé et breveté une méthode de transmission radiofréquence (RF), appelée kT-points®. Cette méthode améliore sensiblement les images obtenues par IRM à hauts champs en supprimant les artéfacts d’inhomogénéité du champ radiofréquence.
Concrètement, Siemens Healthineers, seul constructeur autorisé en Europe et aux Etats-Unis (marquage CE – Conformité Européenne – et agrément de la FDA - Food and Drug Administration) à vendre des IRM 7 T aux hôpitaux, intègre, en bêta-test dans un premier temps, la technologie kT-points® dans la suite logicielle de ses imageurs 7 T.
1 Cosmic pour « Compressed Sensing for Magnetic resonance Imaging and Cosmology »
3 En imagerie, un artéfact est une altération du résultat d'un examen radiologique liée à certains procédés techniques utilisés.