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L’élastographie ultrasonore révèle la force musculaire


​​Une équipe du CEA-Joliot mesure pour la première fois les propriétés mécaniques locales d'un tissu complexe, le muscle, grâce à une méthode non invasive. L'élastographie ultrasonore, enrichie de deux innovations, ouvre des perspectives dans le diagnostic de pathologies musculaires, la prévention des muscles vieillissants ou encore la performance des sportifs.

Publié le 2 septembre 2024

​Diagnostiquer de façon non invasive la dureté des tissus biologiques, signe d'une pathologie maligne comme un cancer du sein, une fibrose hépatique ou encore des nodules thyroïdiens : c'est ce que propose la technique d'élastographie ultrasonore. Mise au point dans les années 2000 avec Jean-Luc Gennisson, aujourd'hui au CEA-Joliot (SHFJ), elle a conduit à la création d'une start-up, Supersonic Imagine, qui commercialise en routine depuis 2009 des échographes ultrarapides.

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Une échographie ultrasonore par ondes de cisaillement

La technique combine l'utilisation de deux ondes mécaniques générées par la sonde ultrasonore de l'électrographe : une onde élastique dite de cisaillement qui fait vibrer le tissu en s'y propageant ; une onde ultrasonore qui permet de « regarder » la propagation de la première et d'en mesurer la vitesse. Concrètement : l'échographe est programmé pour focaliser un faisceau ultrasonore en un point, l'énergie y est déposée créant comme un « vent » ultrasonore qui pousse le tissu pendant quelques centaines de microsecondes avant de revenir à son état initial en émettant une onde de cisaillement. Quasi-simultanément, l'échographe passe en mode d'imagerie ultrarapide en envoyant des ultrasons « en rafale » afin d'obtenir plusieurs milliers d'images par seconde pour filmer la propagation de l'onde de cisaillement. De ce film est calculée la vitesse de propagation pour évaluer la dureté (ou élasticité) du tissu car, plus elle est élevée, plus le tissu est dur.

« Cependant, et malgré leur fort potentiel, ces développements partaient de l'hypothèse qu'un tissu est homogène, isotrope (qui présente les mêmes propriétés dans toutes les directions) et linéaire (sa dureté n'est pas altérée par une contrainte). La technique présentait donc des limites pour étudier des tissus complexes, anisotropes et non-linéaires comme les muscles », indique le spécialiste en biomécanique qui propose avec son équipe deux innovations pour imager ces paramètres d'anisotropie et de non-linéarité.

La technique du « push en biais » pour imager l'anisotropie

Pour comprendre l'anisotropie d'un muscle, imaginons que ses fibres ont la forme de spaghettis. Lorsqu'elles sont inspectées tout du long, l'image générée présente un tube ; alors que si elles sont observées perpendiculairement, le cliché révèle un disque. Or, certains muscles ne sont pas toujours alignés avec l'axe de l'os les portant, comme la cuisse dont les fibres musculaires s'alignent en diagonal sur le fémur. Le défi est alors de permettre aux sondes de délivrer des faisceaux ultrasonores sous différents angles pour orienter les vibrations le long des fibres, sans que l'opérateur n'ait à effectuer des contorsions.

Les sondes ultrasonores sont constituées de 256 capteurs piézoélectriques. L'idée des chercheurs est d'en programmer certains, individuellement, selon des angulations prédéterminées. Cette technique dite de « push en biais » permet ainsi de faire une focalisation ultrasonore maîtrisée, orientée et très locale.

Non-linéarité et force du muscle : des marqueurs importants pour le diagnostic de la myopathie ou de la préparation sportive

La seconde innovation a consisté à inspecter la non-linéarité des muscles, c'est-à-dire le fait que leur dureté change en fonction de l'application d'une contrainte (écrasement, torsion, étirement, contraction). En utilisant leur technique de « push en biais » mise au point pour l'anisotropie, les chercheurs ont commencé par quantifier les paramètres linéaires (dureté) du biceps brachial. Puis, ils ont procédé aux mêmes mesures pendant l'ouverture du bras, étirant ainsi le muscle et exerçant une contrainte uni-axiale. L'évolution de ces paramètres linéaires puis non-linéaires a permis de définir la force exercée sur le muscle.

​R.Andrade / MIP Nantes

Les résultats doivent permettre de quantifier directement dans le corps en mouvement la force développée individuellement par chaque muscle. Ils ont été obtenus selon un protocole expérimental associant des personnes volontaires en bonne santé, en l'occurrence des étudiants en science du sport de Nantes. Ces résultats ont conduit à la réalisation d'une preuve de concept d'échographe ultrarapide à ultrasons, notamment avec la société Supersonic Imagine. « Nous sommes actuellement en train de finaliser un protocole d'études cliniques à l'Hôpital de Nantes sur des patients atteints de myopathie ; pathologie dont l'un des symptômes principaux est une altération des muscles se traduisant par une forte baisse de leur force », conclut le chercheur.

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