Non seulement les incendies géants détruisent les écosystèmes et la biodiversité, mais ils libèrent également dans l'atmosphère des quantités massives de polluants et de gaz à effet de serre, menaçant la santé humaine et affectant le climat global.
Or l'Arctique se réchauffe deux fois plus vite qu'ailleurs. Il en résulte une augmentation des vagues de chaleur qui assèchent les sols et la litière. Le risque d'incendies de forêts s'accroît donc dans les régions des hautes latitudes de l'hémisphère nord.
Pour surveiller les émissions de CO2 associées aux incendies à l'échelle mondiale, les chercheurs ont mis au point une méthode d'inversion atmosphérique utilisant les données de télédétection satellitaire du monoxyde de carbone (CO). Ils peuvent ainsi reconstruire la dynamique spatiale et temporelle des émissions de carbone, imputables aux incendies de forêt, entre 2000 et 2021. Ils ont, en particulier, analysé systématiquement les facteurs à l'origine des émissions record d'incendies de forêts boréales en 2021 et révèlent un mécanisme de rétroaction positive, très utile à connaître pour la prévention des risques à venir.
- Les incendies de forêts se sont propagés vers les hautes latitudes, auparavant relativement épargnées.
- Les émissions de carbone dues aux feux de forêt boréales augmentent depuis 2000, atteignant, en 2021, 23 % des émissions mondiales dues aux feux de forêt, contre environ 10 %, il y a vingt ans.
- En revanche, les feux de forêt tropicales et les émissions de carbone associées sont en baisse en 2021.
Les hautes latitudes sont désormais plus exposées
Les chercheurs détaillent la répartition géographique des émissions de carbone liées aux incendies de forêts boréales.
- Les émissions sont principalement concentrées entre le 50e parallèle nord (à proximité d'Amiens) et le 60e (au sud des îles Féroé) mais l'augmentation des émissions est maximale entre le 60e et le 70e.
- Près du cercle polaire arctique, les émissions ont augmenté de plus de 300 % en 2021 par rapport à la moyenne de 2000 à 2020, alors qu'au voisinage du 50e parallèle nord, elles n'ont augmenté que de 70 %.
- Le sol des forêts boréales est riche en carbone organique, ce qui entraîne une importante libération de carbone.
Les hautes latitudes sont désormais plus exposées aux risques d'incendies de forêts, qui menacent le puits de carbone des écosystèmes. En particulier, au cours de l'été 2021, les forêts boréales russes sibériennes et canadiennes ont connu simultanément de graves déficits hydriques et des vagues de chaleur inédits depuis 2000.
Plus généralement, le réchauffement arctique augmente la biomasse forestière et exacerbe les déficits en eau des sols, avec une évaporation accrue, une augmentation de l'humidité de l'air et une multiplication des orages dans l'Arctique : autant de facteurs qui exacerbent le risque d'incendies de forêt extrêmes. La lenteur de la récupération du carbone dans les arbres et les sols après ces incendies affaiblit les puits de carbone futurs, ce qui augmente le réchauffement de la planète et la probabilité d'incendies. Ainsi se noue une rétroaction positive entre réchauffement et incendies de forêts.
«La communauté des climatologues recommande une plus grande attention au risque d'incendies de forêt et aux impacts écologiques et environnementaux dans les forêts boréales. Il faut mettre en place un système de surveillance des émissions de feux de forêts et évaluer leurs impacts pour soutenir des politiques publiques plus efficaces », conclut Philippe Ciais, chercheur au LSCE.