Des tonnes de métal utilisées dans l'architecture de Notre-Dame de Paris ont été mises au jour lors de son incendie le 15 avril 2019. Si certaines pièces datent des restaurations modernes ou de celles du XIXe siècle, la plupart des armatures semblaient en revanche bien plus anciennes. Les archéologues, chimistes et archéomètres du chantier scientifique ont alors entrepris une étude interdisciplinaire des éléments en fer de la structure. En particulier des milliers d'agrafes de la cathédrale utilisées pour sceller les blocs de pierres à tous les niveaux de l'édifice. Beaucoup étaient jusqu'alors inconnues, dont une série découverte au sommet des murs sous la charpente incendiée. L'analyse fine de ces agrafes conduit aujourd'hui à une découverte importante sur l'histoire des cathédrales.
Dater le fer le plus ancien selon une association technologique inédite
En coordination avec les travaux de restauration en cours, les scientifiques du LSCE (CEA-CNRS-UVSQ) et du CEA-Iramis ont prélevé douze agrafes et procédé à leurs analyses métallographique, chimique et datation radiocarbone. Cette association technologique, qu'ils sont les seuls à maîtriser, a été spécifiquement développée pour la datation du fer archéologique tel que l'explique Philippe Dillmann, spécialiste de métallographie à l'Iramis : « les alliages ferreux employés à Notre-Dame sont très hétérogènes, comme souvent à cette époque. Ce sont des assemblages de différents morceaux de fer recyclés ou neufs, soudés, martelés... Il faut déjà repérer les bonnes zones des échantillons ».
Une fois l'analyse des coupes métallographiques des agrafes effectuées, la datation des échantillons a pu commencer par la méthode du carbone 14. « Ce n'est pas le fer à proprement parler qui peut être daté, mais le carbone piégé lors de sa fabrication, c'est-à-dire lors du procédé de réduction du minerai pour extraire le métal ; procédé utilisant du charbon de bois », renseigne Lucile Beck, experte en la matière au LSCE.
Une innovation architecturale qui s'est répandue sur d'autres cathédrales
Les résultats sont sans appel ! Ils indiquent que les plus anciennes agrafes de fer de Notre-Dame datent des années 1160, précisément au début du chantier de la cathédrale en 1163. Quant à celles du sommet des murs, elles remontent au début du XIIIe siècle, juste avant la pose de la seconde charpente médiévale. Toutes sont bien contemporaines de la construction de l'édifice. « Grâce à ces découvertes, Notre-Dame est désormais incontestablement la première cathédrale gothique de l'Histoire où le fer a été pensé comme un véritable matériau de construction » concluent les deux experts et leurs équipes.
Massivement utilisé pour lier les pierres, le fer accompagne l'édifice tout au long de son élévation. Cette innovation s'est ensuite répandue sur d'autres cathédrales aux architectures inédites, tel qu'à Chartres, Bourges ou encore Beauvais, pour lesquelles ces mêmes chercheurs ont déjà pu analyser les éléments de structure en fer lors de précédentes études. A présent, leurs travaux scientifiques se poursuivent pour déterminer l'origine géographique du fer utilisé pour bâtir Notre-Dame de Paris.