La source européenne de neutrons ESS (European Spallation Source), qui sera prochainement mise en service à Lund, en Suède, fournira des faisceaux près de cent fois plus intenses que ceux des réacteurs nucléaires expérimentaux, aujourd'hui vieillissants ou à l'arrêt, pour la plupart. Mais elle ne devrait satisfaire que la moitié des besoins en analyse neutronique à l'horizon 2030.
C'est pourquoi des chercheurs européens étudient la faisabilité de sources compactes de neutrons à haute intensité HiCAN (High brilliance Compact Accelerator-driven Neutron Source) à partir d'accélérateurs de protons de basse énergie. Ils espèrent ainsi obtenir des performances qui se rapprochent de celles de réacteurs comme Orphée, à Saclay.
En France, le projet Sonate (Source of Neutrons at Thermal Energies) vise la fourniture de faisceaux de neutrons pulsés à partir de protons de 20 MeV et 50 kW. Un des points durs identifiés est la résistance de la cible (en élément léger) servant à convertir les protons en neutrons. Dans cette perspective, des équipes de l'Iramis (Laboratoire Léon Brillouin) et de l'Irfu ont réalisé une cible en béryllium qu'ils ont installée à la sortie de l'Injecteur de protons à haute intensité IPHI (3 MeV), à Saclay.
Cette cible a été testée avec succès entre le 26 janvier et le 11 février 2022. Elle a été exposée à un faisceau de protons de 28 kW (soit 93% de la puissance prévue) pendant 100 heures, puis à 31 kW pendant plus de 5 heures. Au cours de ces essais, les chercheurs ont réalisé leurs premières expériences de diffraction de neutrons avec ce dispositif (« IPHI-neutrons »).
Pour des raisons techniques, ces mesures ont été effectuées avec une durée d'impulsion de protons et un taux de répétition non optimisés. Avec de meilleurs réglages, la durée des mesures serait ramenée de 15 à une ou deux minutes.
L'utilisation de faisceaux de protons de même intensité, mais à plus haute énergie (20 MeV au lieu de 3 MeV), permettra d'augmenter le flux de neutrons de plus d'un facteur 100. La source compacte sera alors largement compétitive avec les lignes d'études par diffusion de neutrons, issues des réacteurs nucléaires de petite et moyenne puissance.