La vie d'une protéine est faite de changements. Ses formes évoluent sans cesse au gré de l'environnement. Les biologistes les ont longtemps observées dans leur état de plus basse énergie, c'est à dire leur état d'équilibre, censé être le plus fréquent et donc le plus significatif. « Mais aujourd'hui, on sait que les conformations alternatives à plus haute énergie, aussi appelés états excités, ont souvent un rôle important pour la fonction de la protéine ou son implication dans une maladie », explique Bernhard Brutscher, chercheur à l'IBS. La spectroscopie basée sur la résonance magnétique nucléaire (RMN) est devenue une technique de choix pour observer la vie des protéines.
« La spectroscopie RMN permet d'étudier la dynamique des protéines à l'échelle atomique sur une vaste échelle de temps, précise le physicien. Nous avons combiné deux techniques de RMN pour accéder à des informations précédemment inaccessibles. »
Tout d'abord, les chercheurs de l'IBS ont utilisé la RMN en temps réel pour accéder à un état transitoire de la protéine qui devient visible lors du repliement pour une durée d'une vingtaine de minutes. Une deuxième technique de RMN, la RMN de dispersion-relaxation, permet ensuite de « zoomer » sur cet état transitoire, afin d'observer des états encore plus fugaces (de l'ordre de la milliseconde), mais potentiellement importants pour le rôle de la protéine dans un organisme vivant. La combinaison de ces deux méthodes a permis aux scientifiques de caractériser un état transitoire dans la protéine β2-microglobuline, une protéine qui forme des fibres amyloïdes chez des patients sous dialyse provoquant une amyloidose avec douleurs articulaires et fragilisation osseuse. « Nous avons détecté une configuration dimérique de la protéine en échange avec la configuration monomérique dans cet état transitoire », précise Bernhard Brutscher. « Cet état transitoire dimérique peut être considéré comme responsable de l'initiation de ce processus d'agrégation et de formation de fibres. »