Le virus Ebola est responsable de fièvres hémorragiques sévères avec un taux de mortalité compris entre 50% et 90%. La mise au point d’un vaccin requiert de bien connaître les caractéristiques de l’interaction entre le virus et le système immunitaire. Pour combattre une infection, ce dernier a plusieurs cordes à son arc. Tout d’abord, une réponse innée, qui n’est pas suffisante dans le cas d’Ebola. Il y a ensuite une réponse immunitaire adaptative. Elle fait entrer en action les lymphocytes B, qui créent des anticorps dirigés contre certaines protéines du virus, les antigènes, et des lymphocytes T qui apprennent à reconnaître directement les antigènes. Les chercheurs du CEA-Joliot, en collaboration des partenaires de Genopole, Excellgene et Vaxeal holding SA (Suisse), se sont penchés sur les réactions immunitaires d’organismes ayant vaincu la maladie à virus Ebola.
Des taux élevés d'anticorps dirigés contre la protéine GP, un antigène du virus Ebola, ont été trouvés chez des patients se remettant d'une infection. Les réponses des lymphocytes T CD8 et CD4 semblent également participer au contrôle de l'infection par le virus Ebola chez les animaux, et les lymphocytes T CD4 sont nécessaires pour induire une résistance au virus. Hormis la réponse à la protéine GP, de fortes réponses des lymphocytes T à une nucléoprotéine (NP) de la capside virale sont observées dans des modèles animaux, qui protègent de l'infection. Chez les patients Ebola convalescents, la plupart des réponses des lymphocytes T développées contre le virus se sont avérées cibler NP. Cependant, très peu de sites de reconnaissance (épitopes) de cellules T spécifiques à la fois des protéines GP et NP d'Ebola ont été identifiés chez l'homme.
Un épitope constitue la partie de l’antigène du virus reconnaissable par les lymphocytes T. Il s’agit donc de la porte d’entrée des lymphocytes T pour attaquer Ebola. Afin de cartographier et caractériser les réponses de lymphocytes T CD4 aux antigènes GP et NP, les chercheurs ont établi une approche à grande échelle pour identifier des épitopes chez des donneurs sains. L'originalité de l'approche est d'avoir utilisé des cellules collectées chez des personnes n'ayant jamais été en contact avec le virus. L'étude a également été menée en dehors de tout contexte infectieux chez les donneurs. Les lymphocytes T prélevés ont servi à générer des lignées de cellules T spécifiques, stimulées par des peptides GP et NP dérivés du virus Ebola-Zaïre. 27 peptides NP et 33 peptides GP ont été sélectionnés. La spécificité des lymphocytes T CD4 en réponse aux peptides a été analysée. Les chercheurs ont ainsi identifié 17 épitopes provenant des protéines NP et GP d'Ebola Zaïre, récapitulant environ la moitié de l'ampleur de la réponse des cellules T et générant une réponse des cellules T chez tous les donneurs testés. Ces épitopes semblent donc être les épitopes de cellules T CD4 les plus importants pour la réponse à Ebola.
Sachant que les candidats-vaccins actuels contiennent uniquement des composants de la protéine GP, les résultats de cette étude révèlent plusieurs épitopes provenant de la protéine NP, faisant apparaître cette dernière comme une cible pertinente pour induire une forte réponse des lymphocytes T CD4 au virus Ebola. Les auteurs suggèrent que des composants de la protéine NP pourraient être inclus dans la conception de nouveaux vaccins Ebola. De plus, l'approche utilisée ici permettrait d'anticiper la réponse des lymphocytes T avant toute infection, informations précieuses à l'ère de l'émergence de nouvelles épidémies, notamment celle liée au SARS-COV-2.