Plus du tiers du carbone des sols dans le monde est stocké dans le pergélisol des hautes latitudes. Or tandis que le pergélisol se réchauffe au contact de l'air et selon les saisons, dégèle de plus en plus, l'activité microbienne des sols s'accélère, convertissant davantage de matière organique en gaz à effet de serre et amplifiant le réchauffement.
Une nouvelle étude menée par le LSCE montre que la matière organique présente dans le pergélisol agit comme un isolant thermique, ce qui freine son dégel pendant l'été et favorise donc la rétention du carbone dans le sol. Ceci implique que si le stock de carbone du sol diminue à terme sous l'effet combiné du réchauffement global, d'une décomposition bactérienne accrue et d'incendies plus fréquents, le sol pourrait se réchauffer plus rapidement que ce que prévoient les modèles actuels.
« Tout comme la température de l'air, la température du sol varie selon la saison, mais avec une moindre amplitude. Cette atténuation est liée à la diffusivité thermique du sol. Grâce à des mesures sur sites de la température du sol, nous pouvons calculer cette propriété et explorer les facteurs qui la contrôlent, déclare Dan Zhu, auteure principale de cette nouvelle étude et ancienne post-doctorante au LSCE. À notre grande surprise, la teneur en carbone organique, plutôt que la texture et l'humidité du sol, est le facteur dominant qui explique la variation de la diffusivité thermique de ces sols. »
« Nous savons depuis longtemps que la température affecte le taux de décomposition des matières organiques du sol, ce qui est pris en compte dans les modèles actuels. Nous réalisons maintenant que le stock de carbone du sol détermine également la température du sol. C'est cette rétroaction qui est absente de la plupart des modèles et qui doit être introduite pour projeter la dynamique future du pergélisol à l'échelle mondiale », précise-t-elle.
« L'évolution de la température et celle du stock de carbone du pergélisol sont encore compliquées par l'affaissement du sol consécutive à la fonte de la glace, explique Philippe Ciais, co-auteur de cette étude. Lorsque l'effondrement se produira, les hautes températures estivales affecteront des couches de sol inférieures, épargnées auparavant car plus profondes. Des changements structurels aussi abrupts pourraient avoir un impact encore plus important que la variation de diffusivité sur le régime thermique du sol évoquée plus haut. Représenter ces processus thermiques et hydrologiques du sol à des échelles spatiales fines dans un modèle mondial est un défi majeur pour les modélisateurs du pergélisol. »