Pour que la vie soit possible, il faut que les protéines intrinsèquement désordonnées soient fonctionnelles. Ces protéines ultra-flexibles adoptent une multitude de configurations, instables et fugaces, que les chercheurs traquent sans relâche pour comprendre leur activité biologique. Les techniques de biologie structurale, notamment la résonance magnétique nucléaire (RMN), sondent l'intimité des protéines avec de plus en plus d'acuité. Après avoir développé des méthodes pour observer l'ensemble des conformations prises par des protéines modèles, des chercheurs de l'IBS passent aujourd'hui un cap en étudiant les vitesses de transition entre ces configurations.
« Des expériences RMN mesurés à différents champ magnétiques où nous faisons varier la température de l'échantillon permettent de cartographier la transformation des protéines dans l'espace et le temps », explique Martin Blackledge, directeur de laboratoire à l'IBS. En modifiant la température de -10°C à +30 °C, les scientifiques accèdent aux barrières d'activation, ces barrières d'énergie que les protéines doivent surmonter pour passer d'une configuration à une autre. Ils modulent également, via l'aimantation, la fréquence de résonance des noyaux atomiques afin d'accéder aux échelles de temps des transitions. Trois types de mouvements ont ainsi été mis en évidence pour une protéine composée d'une chaîne de 125 acides aminés. « Les plus petits et les plus rapides concernent les fluctuations thermiques, décrit Martin Blackledge. Viennent ensuite les changements affectant le squelette, la chaine principale, qui contrôlent la formation de motifs structuraux aptes à interagir avec d'autres biomolécules. Les vitesses sont ici de l'ordre de la nanoseconde. Enfin, nous pouvons également sonder le mouvement global de la chaine, comparable à la progression d'un serpent, qui est plus lent, de l'ordre de 10 ou 20 nanosecondes. » Les expériences réalisées sur des protéines de différentes longueurs montrent que seules les échelles de temps affectant le mouvement global est modifié.
Ces travaux éclairent le monde encore mystérieux des protéines intrinsèquement désordonnées et permettent de mieux comprendre leur fonction. Ils fourniront aussi une aide précieuse aux méthodes de simulation par dynamique moléculaire. « La dynamique moléculaire classique peine à modéliser la réalité de ces protéines, poursuit le chercheur. Nous pourrons fournir des jeux de données bien calibrés pour corriger et enrichir les simulations. »
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La combinaison des mesures RMN faites à 4 champs magnetiques, et 5 temperatures, et sur trois longeurs d'une proteine intrinsèquement désordonnée virale a permi de decouvrir de nouvelles informations sur la nature des mouvements fonctionelles de cette famille de protéines. © CEA |