Dans 1 à 5 % des cas, la maladie d'Alzheimer est d'origine génétique. Pour les autres cas, des facteurs non génétiques (facteurs environnementaux) participeraient à au développement de la pathologie (appelée forme sporadique, SAD). Pour comprendre les causes de ces SAD et trouver de nouvelles cibles thérapeutiques, les scientifiques essayent de générer des modèles à l'aide de molécules entraînant la production de biomarqueurs de la maladie.
Dans ce cadre, la société pharmaceutique ManRos Therapeutics a criblé des banques chimiques renfermant plus de 3500 molécules appartenant à l'exposome humain, c'est-à-dire l'ensemble des composés auxquels nous sommes exposés de notre conception à notre mort. ManRos a découvert deux familles de molécules susceptibles de moduler l'activité d'une enzyme, la γ-sécrétase, à l'origine de la production des peptides amyloïdes (Aβ). Il s'agit des aftines et des triazines, ces dernières étant utilisées notamment comme herbicides. Une équipe du CEA-Ibitecs a caractérisé ces deux familles de molécules sur des modèles cellulaires de neurones corticaux et d'hippocampe, sur des cultures d'hippocampe de souris et/ou sur des modèles animaux. Les triazines sont à l'origine d'une augmentation potentielle de production des peptides Aβ-42. Il est alors légitime de poser la question de leur éventuelle toxicité et de leur rôle potentiel dans le développement de la maladie d'Alzheimer.
« Nous n'en sommes pas encore là, prévient Aloïse Mabondzo, chercheur au CEA-Ibitecs. En effet, si les tests in vitro de passage de la barrière hémato-encéphalique et dans des modèles murins montrent que l'aftine module la production des peptides Aβ-42, le lien avec la maladie d'Alzheimer n'est pas établi. Les peptides Aβ-42 doivent en effet se trouver sous leur forme agrégée pour être délétères.»
« C'est un point crucial, ajoute le biologiste, car le peptide Aβ-42 sous sa forme agrégée est un biomarqueur de la maladie d'Alzheimer, tandis que sa forme 'libre' pourrait avoir une fonction bénéfique sur l'activité neuronale ! » Une collaboration du CEA-Ibitecs, du CEA-I2BM et de l'institut génétique et de biologie cellulaire et moléculaire de Strasbourg, qui a pour objectif de démontrer ou non l'accélération de la formation des plaques amyloïdes dans des modèles pathologiques pré-établis, pourra peut-être donner des éléments de réponse : « Nous regarderons si l'exposition aux triazines accélère la formation de ces plaques et induit un déficit cognitif », conclut Aloïse Mabondzo.