La muqueuse du tractus reproducteur féminin (TRF) constitue la première ligne de défense contre les infections sexuellement transmissibles (IST) chez la femme. Le risque d'acquisition d'une IST est augmenté par une inflammation et dépend de nombreux facteurs de l'environnement des muqueuses, dont les composants de l'immunité et du microbiote vaginal qui interagissent pour moduler l'inflammation. Le cycle menstruel induit des modifications importantes au sein de la muqueuse du TRF, mais son impact sur les marqueurs immunitaires, l'inflammation et le microbiote vaginal est encore peu connu.
Dans des travaux parus dans Frontiers in Immunology, le Laboratoire Immunité et Transmission du département IDMIT (CEA-Jacob) décrit l'évolution de la composition du microbiote vaginal et de l'inflammation dans le TRF et le sang tout au long du cycle menstruel chez des primates non-humains femelles. Leur cycle menstruel et la morphologie du TRF étant similaires à ceux des femmes, les primates non-humains représentent un modèle pertinent pour étudier la transmission et l'évolution des IST, ainsi que leur prophylaxie.
Les chercheurs ont mené une étude longitudinale couvrant trois cycles menstruels, durant lesquels ils ont étudié le profil des cytokines et caractérisé les différentes populations de neutrophiles. Les cytokines sont des facteurs solubles produits lors de l'inflammation, qui alertent des neutrophiles, cellules sentinelles du système immunitaire. Les neutrophiles s'activent alors, pour se rendre sur les lieux de l'inflammation et interagir avec d'autres cellules immunitaires. Les résultats montrent que les concentrations de cytokines au niveau du TRF sont affectées par le cycle menstruel, avec un pic de production pendant les menstruations. Pour la première fois, les différentes populations de neutrophiles cervico-vaginaux ont été caractérisées et leur évolution suivie au cours du cycle menstruel, mettant en évidence l'augmentation d'une sous-population particulière de neutrophiles pendant les menstruations. Les chercheurs montrent également une variation de la composition en bactéries du microbiote vaginal au cours du cycle.
Ces travaux apportent la preuve d'un impact significatif sur l'environnement local du TRF des menstruations, qui déclenchent une augmentation de la production de cytokines, un changement de la composition du microbiote local et le recrutement de neutrophiles matures/activés. Ces résultats soulignent la nécessité de prendre en compte le cycle menstruel pour des études ultérieures portant sur l'environnement muqueux du TRF chez les animaux femelles et/ou les femmes notamment sur la susceptibilité aux IST et pour tester des vaccins ou des thérapies. Dans ce contexte, l'équipe étudie maintenant l'impact des modifications du microbiote vaginal sur l'inflammation et la susceptibilité à une infection par Chlamydia trachomatis, une IST très fréquente chez les jeunes femmes. Un autre projet s'intéresse à l'influence de l'infection vaginale à Chlamydia sur l'inflammation locale et sur la co-infection au VIH-1/Sida.
L'ensemble de ces études ouvre la voie à de nouvelles stratégies ciblant l'inflammation ou les cellules de l'immunité pour développer des thérapies préventives contre les IST.
Contact chercheur : Elisabeth Menu I elisabeth.menu@cea.fr