« Quand je suis arrivé au CEA, Cirano De Dominicis était directeur, se souvient François David, directeur actuel de l'IPhT. C'était pour moi, jeune doctorant, une grande figure de la physique. Ouvert aux autres, il avait un très bon contact avec les jeunes chercheurs.»
Quand Cirano De Dominicis découvre le CEA, au lendemain de la dernière guerre mondiale, la physique théorique française devait se reconstruire. Aidés par le décret « Suquet » favorisant la mise à disposition de membres des corps de l'État dans les laboratoires de recherche, le CEA et le CNRS ont participé à cet effort. Au début des années 1950, Cirano De Dominicis est l'un de ces jeunes du Corps des Mines, brillants et curieux, qui ont su aller chercher à l'étranger ce qu'il fallait pour « cultiver » en France la physique quantique moderne.
Après avoir suivi des cours au Massachussetts Institute of Technology, à Boston, Cirano De Dominicis soutient sa thèse à l'Université de Birmingham (Grande-Bretagne) en physique nucléaire, sur un modèle décrivant le noyau via ses nucléons en interaction. Il se lie aux meilleurs physiciens nucléaires de l'époque.
Fixé peu après à Saclay, il collabore ensuite avec Claude Bloch (CEA) sur le problème dit « à N corps » qui s'applique non seulement aux nucléons comme à l'origine, mais maintenant à la physique de l'état condensé, par exemple aux corrélations entre électrons dans les supraconducteurs. Dans ce domaine, ils expriment les grandeurs thermodynamiques à l'aide du « développement en diagrammes de Bloch et De Dominicis », cité dans la littérature sous leurs noms.
Restant en relation avec les scientifiques du meilleur niveau mondial, il aborde des sujets divers, allant de la turbulence à l'absorption des rayons X et aux systèmes désordonnés. Avec Édouard Brézin et Jean Zinn-Justin (CEA), il applique de manière spectaculaire une technique développée en physique des hautes énergies (renormalisation) à la physique de l'état condensé, participant ainsi à l'élaboration d'une théorie des transitions de phase et des phénomènes critiques.
Il est universellement considéré comme l'un des meilleurs spécialistes de la physique statistique des verres de spin. Dans ces étranges matériaux désordonnés, les spins des électrons peuvent être corrélés à distance. Deux descriptions théoriques ayant émergé dans les années 1980, Cirano De Dominicis a beaucoup travaillé afin de trancher entre ces deux modèles. « Jusqu'en 2015, il était là tous les jours et publiait, se souvient François David. Il calculait à la main. Sa vitalité et sa puissance de travail étaient vraiment très impressionnantes. » Cirano De Dominicis s'est éteint en avril 2017, à l'âge de 90 ans.
Avec Irene Giardina, il est co-auteur d'un livre paru en 2006, intitulé « Random Fields and Spin Glasses ».