L'accélérateur LHC du Cern permet de réaliser des collisions entre des noyaux atomiques de plomb, à des énergies sans précédent. Chaque collision crée un état extrême de la matière, nommé plasma de quarks et de gluons, qui prévalait dans l'Univers pendant les premières 20 à 30 microsecondes après le Big Bang, avant que ne se forment les protons ou les neutrons.
Les physiciens ont été surpris d'observer que ce plasma de quarks et de gluons atteint rapidement un équilibre thermique local, avec une distribution isotrope des vitesses des quarks. Au cours de la dernière décennie, de nombreux travaux théoriques ont porté sur l'émergence de cette isotropie et un consensus s'est établi sur le fait qu'avant que l'équilibre ne soit atteint, les vitesses transversales des quarks sont en moyenne plus grandes que les vitesses longitudinales (parallèles à l'axe des collisions). Serait-il possible de caractériser les premiers instants de ce fugace plasma, avant que ne s'effacent ses caractéristiques originelles ?
Modèle physique à l'appui
Des chercheurs de l'PhT et de l'Irfu répondent par l'affirmative. En s'appuyant sur un modèle physique, ils proposent des mesures directement connectées à l'anisotropie des vitesses des quarks du plasma de quarks et de gluons. Des mesures qui deviendront possibles grâce aux futurs détecteurs des collaborations LHCb et ALICE à l'horizon 2030.
De quoi s'agit-il ? Quand un quark du plasma de quarks et de gluons rencontre un antiquark, les deux particules s'annihilent en émettant un lepton et son antiparticule. Or ces leptons émis préférentiellement dans la même direction que les quarks n'ont pas la possibilité de se transformer avant d'atteindre en ligne droite les détecteurs, ce qui en fait des témoins privilégiés du plasma de quarks et de gluons. Il est alors possible de retrouver les premiers instants de ce mystérieux plasma en sélectionnant les leptons issus des événements les plus énergétiques.
Dans ce contexte, les futurs détecteurs qui équiperont les expériences LHCb et ALICE autoriseront de telles mesures, en particulier parce qu'il sera alors possible d'éliminer, grâce à une trajectographie fine, le bruit de fond de leptons « parasites », émis à hauteur de 10 % au cours de la désintégration de quarks charm et bottom, eux-mêmes produits en grandes quantités par les collisions de noyaux de plomb.