Un chercheur de l'IPhT (CEA – CNRS) Marc Barthelemy et sa collaboratrice Julie Gravier (EHESS) ont publié dans la revue Nature Cities les résultats de leur analyse sur la dynamique des activités de la ville de Paris au XIXème siècle. Physiciens spécialistes des systèmes complexes, ils ont utilisé une base de données unique au monde fournie par la Bibliothèque Nationale de France : les annuaires du Bottin et les almanachs entre 1829 et 1907. Cette source de données empirique se distingue de celles utilisées habituellement de par l'étendue de la période étudiée (près d'un siècle) ainsi que son volume (environ un million d'entrées).
« Ce qui fait une grande ville, ce sont ses habitants, leurs besoins fondamentaux (nourriture, eau, etc.) et les services publics (administration, éducation). », Marc Barthelemy, IPhT.
En étudiant les activités professionnelles et économiques des habitants, les chercheurs ont ainsi pu déterminer certaines caractéristiques inhérentes au développement économique d'une grande ville durant l'ère industrielle. Pour résumer, l'étude propose une classification des activités en trois catégories selon leur dynamique de développement et leur loi d'échelle numéraire :
- Dynamiques linéaires pour les activités relatives aux besoins primaires : alimentation, santé, vêtement…
- Dynamiques sublinéaires pour les activités liées aux services publics : administration, éducation, …
- Dynamique superlinéaire pour les activités qui correspondent à des tendances spécialisées ou temporaires.
Si les activités des deux premières catégories accompagnent le développement de toutes les villes, celles que l'on retrouve dans la troisième catégorie dépendent du contexte : elles sont à la fois symptomatiques du dé-veloppement économique mais aussi des habitudes de la population. Elles sont donc en quelque sorte « la marque » de la ville et de l'époque. Le Paris du XIXe siècle est ainsi caractérisé par l'émergence d'activités liées aux services des ingénieurs ou à la restauration (restaurants, cavistes, crémeries). Certains évènements historiques comme les grands travaux publics (transformation haussmannienne) ou les conflits politiques (la Commune de Paris) ont aussi eu un impact notable sur ces dynamiques de développement, avec des conséquences positives pour les premiers et négatives pour les seconds.
Ces travaux de l'IPhT s'inscrivent dans le prolongement de ceux réalisés sur la création de modèles virtuels, un secteur qui connaît une explosion des demandes depuis quelques années, notamment pour les jumeaux numériques des villes. De nombreux spécialistes, dont Marc Barthelemy, mettent cependant en garde sur les limites de ces modèles et sur leur utilisation. « Dans le cas des jumeaux numériques des villes, certains modèles ont pour objectif de mettre le plus de détails possible, alors que ce n'est pas une question de détails ou de puissance de calcul. Mieux vaut un modèle simple et robuste, comme le permet la science des systèmes complexes, qu'un modèle chargé de petits détails dont on ne connaît pas tous les paramètres. »
Cette étude analytique de grande ampleur sur des données empiriques contribuera donc au développement de modèles plus fiables à l'avenir. La prochaine étape consistera à croiser ces résultats obtenus avec les données spatiales recueillies sur les activités : leur localisation dans la ville et les phénomènes de dispersion ou de concentration.