Comment expliquer l'expansion de l'Univers ? C'est à cette grande question que la collaboration internationale Desi tente de répondre en testant deux hypothèses : celle d'une expansion induite par l'existence d'un nouveau constituant de l'Univers, l'énergie noire ; celle d'une gravité modifiée par rapport à la théorie de la relativité générale d'Einstein.
Les premiers résultats d'avril 2024 de la plus grande carte tridimensionnelle de l'Univers ont conduit à l'observation du taux d'expansion de l'Univers et ont révélé des indices d'une possible évolution de l'énergie noire au fil du temps. La présente étude fournit une analyse plus complète de ces données obtenues la première année, en 2020, et permet de retracer l'histoire de la formation des grandes structures de l'Univers sous l'effet de la gravité.
Des résultats conformes à la théorie de la relativité générale aux échelles cosmologiques
« La relativité générale avait déjà été testée à l'échelle des systèmes stellaires mais il fallait vérifier cette hypothèse à des échelles bien plus grandes. Cela a nécessité des mois de travail supplémentaires et de vérifications croisées. Et pour écarter tout biais dans les analyses nous avons utilisé une technique permettant de cacher le résultat aux scientifiques, jusqu'à la fin », indique Etienne Burtin, physicien à l'Irfu et co-responsable du groupe d'analyse des données de Desi qui compte 900 collaborateurs.
Leur verdict : la formation des grandes structures de l'Univers est cohérente avec le modèle de la relativité générale comme théorie de la gravité aux échelles cosmologiques.
5000 spectres de galaxies collectés simultanément
Utilisant le télescope au sol Mayall, en Arizona, la mission consiste à analyser les lumières émises par une quarantaine de millions de galaxies, pour remonter jusqu'à 11 milliards d'années lorsque l'Univers était âgé de 2,8 milliards d'années. Et cela, grâce à l'instrument Desi qui peut collecter simultanément les spectres de 5000 galaxies. La première année de données a porté sur 6 millions de galaxies, classées en 5 types de « traceurs » :
- galaxies très brillantes (BGS) de l'Univers proche
- galaxies rouges lumineuses (LRG) qui sont des galaxies massives ayant terminé leur cycle de formation d'étoiles ;
- galaxies à raies d'émissions (ELG), plus légères et formant des étoiles qui permettent de sonder l'Univers entre 8 et 10 milliards d'années
- quasars, objets les plus lumineux permettant de sonder l'Univers lointain.
L'analyse statistique de la vitesse des galaxies pour mesurer leur croissance
Le spectre des galaxies contient des raies d'émission et d'absorption correspondant aux éléments chimiques qui la composent. En comparant la position de ces raies avec celles en laboratoire, les chercheurs peuvent calculer le décalage vers le « rouge » des galaxies ; un décalage spectral affecté par l'éloignement et la vitesse particulière des galaxies. L'analyse porte alors sur la variance de ces vitesses en fonction de l'échelle pour mesurer la manière dont les grandes structures se forment dans l'Univers, et ainsi tester la gravité.
Une autre approche pour mesurer la croissance des structures consiste à sonder comment la trajectoire de la lumière émise par des sources lointaines est modifiée par les perturbations de champ gravitationnel entre la source et l'observateur. Cet effet sera mesuré de manière statistique dans l'orientation apparente des galaxies par la mission Euclid à laquelle le CEA-Irfu participe également.