Les batteries à flux redox (RFB) sont une sorte d'hybride entre la pile à combustible et la batterie. Elles peuvent être décrites comme une pile à combustible dans laquelle les gaz H2 et O2 sont remplacés par des électrolytes capables de stocker des charges électriques. Leur architecture permet de dissocier la quantité d'énergie chimique stockée et la puissance électrique produite comme dans une pile à combustible, avec le rendement et la capacité de stockage élevés d'une batterie. Pour cette raison, elles sont particulièrement adaptées au stockage stationnaire des énergies solaire ou éolienne.
Les batteries à flux redox commercialisée aujourd'hui utilisent la chimie du vanadium, avec à la clé de nombreux problèmes environnementaux. Pour y pallier, des chercheurs du CEA tentent de remplacer le vanadium par des molécules organiques capables de stocker des charges et, si possible, biosourcées. Parmi ces composés, on peut citer des dérivés quinoniques, utilisés à grande échelle comme colorants et présents dans un grand nombre d'organismes vivants (animaux, plantes, lichens).
La RMN haute résolution, technique reine d'analyse des molécules organiques
Cependant, cette approche souffre à ce jour de plusieurs limitations : une faible densité d'énergie et des performances qui se dégradent bien plus rapidement que dans le cas des RFB à base de vanadium. Améliorer les performances de RFB organiques passe donc par une meilleure compréhension de phénomènes chimiques associés au stockage des charges dans les électrolytes.
La RMN haute résolution en solution est la technique reine d'analyse des molécules organiques mais comment ajouter des électrodes et un système de circulation dans l'espace très restreint d'un aimant RMN, sans perturber le champ magnétique élevé (supérieur à 10 teslas) et parfaitement homogène nécessaire à la haute résolution ?
En se basant sur les savoir-faire en RMN et en fabrication additive de l'Iramis et en électrochimie de l'Irig, les chercheurs ont relevé le défi ! Ils ont développé un dispositif RFB miniaturisé et opérationnel, dont l'architecture et chacun des constituants ont été optimisés afin de préserver au mieux l'homogénéité du champ magnétique. Ils ont testé l'efficacité de leur dispositif avec un électrolyte modèle (2,7-anthraquinone disulfonate ou AQDS), selon plusieurs modalités (imagerie, spectroscopie, vélocimétrie).
- En utilisant la fabrication additive et en capitalisant sur leur expérience alliant micro-détection et fluidique, ils sont parvenus à construire un mini-accumulateur à flux redox, s'insérant dans la cavité d'un aimant de spectromètre RMN haute résolution (de diamètre inférieur à 18 mm).
- En installant ce dispositif dans une base de sonde de micro-imagerie IRM, ils ont pu réaliser des mesures de vélocimétrie pour caractériser les flux de solutions électrolytiques dans la batterie en fonctionnement.
- Ils ont pu effectuer des analyses par spectroscopie RMN (1H et 13C) de manière localisée, afin d'éviter les régions fortement perturbées magnétiquement (au niveau de l'électrode par exemple).
En répétant des cycles de réduction et d'oxydation de l'électrolyte modèle, ils mettent en évidence la dimérisation des espèces oxydées et réduites de l'électrolyte, ainsi que la formation d'un hétéro-dimère associant les deux espèces. Cette dimérisation ne peut que réduire la mobilité des molécules actives, augmenter la viscosité de l'électrolyte, et, in fine, limiter les performances de l'accumulateur.
Le dispositif original, conçu au laboratoire, peut également être utilisé pour l'analyse in situ d'autres processus électrochimiques par RMN à l'état liquide. Par ailleurs, plusieurs pistes d'améliorations seront également étudiées (ajout de micro-capteurs de températures, etc.)