Les étoiles à neutrons sont les vestiges d'étoiles massives qui, ayant épuisé leur carburant, ont explosé en supernova, éjectant la plus grande partie de leurs couches externes. Certaines d'entre elles, les magnétars, se distinguent par un champ magnétique extrême, pouvant atteindre 1011 teslas, ce qui en fait de brillantes sources transitoires, émettrices de rayons X et gamma. L'origine précise de ces champs intenses et leur évolution sur des millions d'années reste encore incomprise.
Dans ce contexte, une équipe du CEA-Irfu a proposé en 2022 un scénario innovant, fondé sur une instabilité convertissant le mouvement d'un plasma en champ magnétique via la dynamo de Tayler-Spruit – processus qui s'active précisément quand la matière expulsée lors de l'explosion en supernova retombe sur la jeune étoile à neutrons. En 2023, les chercheurs ont pu reproduire les valeurs observées des champs magnétiques des magnétars, à l'aide de simulations numériques 3D (Lire La formation des magnétars simulée en 3D) mais celles-ci étaient limitées aux dix premières secondes suivant la formation de l'étoile à neutrons. Il restait donc à comprendre comment ces champs évoluent sur de plus longues périodes.
Des magnétars naissent avec des champs « faibles »
En collaboration avec des universitaires de Newcastle et de Leeds (Grande-Bretagne), spécialistes de l'évolution des étoiles à neutrons, les physiciens de l'Irfu ont pu établir que la dynamo de Tayler-Spruit joue un rôle crucial dans la formation des champs magnétiques des magnétars dits « à champ faible ».
Leurs simulations numériques de la croût d'une étoile à neutrons sur des centaines de milliers d'années reproduisent les principales caractéristiques des magnétars à champ faible déduites des observations astronomiques.
- Leur champ magnétique dipolaire est 10 à 100 fois inférieur à celui des magnétars classiques (< 109 teslas).
- Leur rayonnement thermique en rayons X est modulé par des points chauds à la surface de l'étoile.
- Dans certaines conditions, le champ magnétique déforme la croûte de l'étoile à neutrons et provoque des flashs sporadiques en rayons X et gamma.
- Leur période de rotation est similaire à celle des magnétars et plus lente que celle des étoiles à neutrons standard (pulsars).
Une énigme scientifique résolue
Alors que des scientifiques pensaient auparavant que les magnétars à champ faible étaient des versions vieillissantes de magnétars classiques, cette étude suggère une tout autre explication de la période de rotation lente des magnétars à champ faible : la matière retournant sur l'étoile après l'explosion de la supernova ralentirait la rotation de l'étoile, après avoir amplifié son champ magnétique.
En montrant que les magnétars à champ faible ne sont pas nécessairement des vestiges évolués de magnétars classiques, mais qu'ils peuvent résulter d'un processus dynamique dès leur naissance, les physiciens offrent une explication complète et cohérente des phénomènes observés, tout en résolvant une énigme scientifique persistante depuis la découverte des magnétars à champ faible en 2010.