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Des neurones bilingues et physionomistes


​Comment le cortex visuel s'adapte-t-il à la lecture de mots écrits avec des caractères différents ? C'est ce qu'a voulu savoir une équipe de l'institut du Cerveau et du CEA-Joliot en étudiant, par IRM fonctionnelle 7T à haute résolution, le cerveau de 31 personnes bilingues. Il apparaît que certains groupes de neurones se spécialisent dans la lecture d'un système d'écriture plutôt que d'un autre.

Publié le 12 avril 2023

Près de la moitié de l'humanité parle plus d'une langue et de nombreux adultes qui lisent régulièrement dans deux langues ont développé une habileté certaine pour naviguer d'un système à l'autre. Cette capacité est d'autant plus fascinante chez ceux qui maîtrisent plusieurs systèmes différents : alphabet romain, géorgien ou hébreu, kanjis japonais, idéogrammes chinois, signes diacritiques arabes, etc. Mais comment se développe-t-elle dans le cerveau ? Pour répondre à cette question, Laurent Cohen de l'institut du Cerveau et l'équipe Unicog de Stanislas Dehaene à NeuroSpin (CEA-Joliot) ont étudié le cerveau de 31 personnes bilingues.

 « Au sein du cortex occipito-temporal ventral gauche, la reconnaissance des mots écrits mobilise une zone spécifique appelée « région de la forme visuelle des mots » ou VWFA », explique Laurent Cohen, neurologue à l'Institut du Cerveau. La connaissance de cette région qui se forme durant l'acquisition de la lecture était jusqu'ici limitée, notamment à cause de la trop faible résolution spatiale des IRM couramment utilisées en recherche. C'est pourquoi la collaboration a conduit des examens d'IRM fonctionnelle sur le scanner IRM 7T haute résolution de NeuroSpin. Le protocole a consisté à imager les cerveaux de10 personnes bilingues anglais-chinois et 21 personnes bilingues anglais-français lorsqu'elles réalisaient des tests de lecture.


Les chercheurs ont pu étudier en détail la VWFA de chaque personne et constater  que cette région est subdivisée en plusieurs minuscules zones corticales ultraspécialisées pour la perception des mots. Chez les bilingues anglais-français, toutes ces micro-zones s'activent indifféremment pour les deux langues. Chez les bilingues anglais-chinois, il y a également un recouvrement entre les deux langues, mais certaines zones réagissent spécifiquement aux idéogrammes chinois et semblent aussi impliquées dans la reconnaissance des visages. Autre observation : ces micro-zones sont faiblement activées chez tous les participants dès qu'ils lisent des « pseudo-mots » ou des caractères incorrectement dessinés.

De la physionomie des idéogrammes chinois

« On peut supposer que la « lecture » de la physionomie d'autrui et la lecture des idéogrammes partagent certains mécanismes sous-jacents. Les visages comme les caractères chinois sont des formes compactes qu'on ne peut reconnaître et distinguer les unes des autres qu'en analysant la position de leurs différentes parties les unes par rapport aux autres », expose Stanislas Dehaene, directeur de NeuroSpin et professeur au Collège de France.

Pour déterminer si des zones spécialisées de la VFWA peuvent apparaître dans d'autres contextes linguistiques, les chercheurs devront maintenant étudier d'autres paires de langues aux caractéristiques très différentes.

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