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Le mécanisme de Kibble-Zurek à l’œuvre dans l'Univers primordial et dans une chaîne de spins


​Dans un modèle unidimensionnel, des chercheurs de l'IPhT ont revisité la question du refroidissement d'un système physique au voisinage d'une transition de phase continue – la dynamique ralentit et le système s'éloigne de l'équilibre thermique – et proposent une évaluation originale de la distance à l'équilibre.
Publié le 13 février 2023

Que se passe-t-il lorsqu'un système est refroidi très lentement à partir d'une phase de haute température et subit, au point critique, une transition de phase « continue », c'est-à-dire sans échange de chaleur d'une phase à l'autre ?

Cette question a été posée en 1976 par le physicien britannique Sir Thomas Kibble dans le contexte de la cosmologie de l'Univers primitif. Il voulait prédire la densité de défauts topologiques (par exemple des « cordes » cosmiques) subsistant dans l'Univers après qu'il ait subi une ou plusieurs transitions de phase continues, au cours du refroidissement progressif dû à son expansion.

Quelques années plus tard, les idées de Kibble ont été appliquées à des problèmes de physique statistique par le physicien polonais Wojciech Zurek.

Le mécanisme de base est le même dans les deux cas. Le ralentissement critique associé oblige le système à s'éloigner de l'équilibre au voisinage de la transition. Ce raisonnement a conduit à la théorie de Kibble-Zurek qui établit des lois d'échelle décrivant, entre autres, le comportement de la densité de défauts en fonction de la vitesse de refroidissement.

Le mécanisme de Kibble-Zurek a été revu en profondeur par deux chercheurs de l'IPhT, Claude Godrèche et Jean-Marc Luck. Pour cela, ils ont choisi un modèle unidimensionnel, soluble exactement : la chaîne ferromagnétique de spins d'Ising, soumise à un profil de température dépendant du temps de façon arbitraire.

Ce modèle possède une transition de phase continue à température nulle. Il est donc possible d'approcher de ce point critique selon différents protocoles, mais il est impossible de le traverser, les températures négatives n'étant pas physiquement accessibles.

Dans le régime des basses températures, la solution analytique est simplifiée par le fait que de nombreuses quantités s'annulent ou divergent, les échelles spatiale et temporelle devenant très grandes.

Les chercheurs ont obtenu tout une gamme de nouveaux résultats, qu'ils ont comparés à la théorie de Kibble et Zurek à chaque fois que c'était possible.

Ils ont calculé de façon systématique à la fois la densité des parois de domaines et la susceptibilité magnétique. Ces observables étant toutes deux sensibles à la taille des domaines ordonnés de spins, ils ont proposé de considérer le produit sans dimension de ces grandeurs (qu'ils ont appelé facteur de forme) comme un nouvel outil permettant de quantifier la distance à l'équilibre du système.

En particulier, le système suit des lois d'échelle universelles dans le cas de trempes infiniment lentes, durant lesquelles la température diminue très lentement, et n'atteint le zéro absolu qu'au bout d'un temps de trempe très long, voire seulement dans la limite d'un temps infiniment long.

Dans ces situations, le facteur de forme varie continûment entre deux valeurs universelles, correspondant respectivement à l'équilibre thermique et à une trempe instantanée (c'est-à-dire une variation discontinue de température, entre une valeur très élevée et le zéro absolu).


Le point rouge correspond à l'équilibre thermique et le point vert à la trempe instantanée. Entre les deux, le facteur de forme, produit de la densité des parois de domaines et de la susceptibilité magnétique, varie entre 2/π et 1.

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