Un proton est composé de quarks et de gluons liés par l'interaction forte. Or à ce jour, la chromodynamique quantique qui décrit le confinement de ces particules élémentaires à l'intérieur du proton conduit à des équations non solubles analytiquement. Pour cette raison, les physiciens sont encore incapables de calculer ab initio la masse du proton !
Un physicien de l'IPhT et ses collaborateurs ont cherché à lever ce verrou en étudiant un « modèle jouet » basé sur la supersymétrie et postulant une relation entre les particules de spin demi-entier (fermions) qui composent la matière et les particules de spin entier (bosons) qui portent les interactions. Bien que la supersymétrie soit un cadre théorique qui doit encore être confirmé expérimentalement, elle offre la possibilité de simplifier la modélisation de l'interaction forte et de surmonter certains de ses défis.
Les théoriciens ont ainsi choisi le cadre de la chromodynamique quantique supersymétrique à quatre dimensions et ont ciblé une classe particulière d'observables : les fonctions de corrélation des opérateurs (par exemple pour mesurer la charge électrique et le flux d'énergie).
Au terme de leur calcul, l'observable s'exprime à l'aide d'une matrice de dimension infinie, en référence au nombre infini de particules impliquées. Les chercheurs ont alors eu la surprise de reconnaître le formalisme bien connu en physique théorique des matrices aléatoires, et plus précisément la loi de Tracy-Widom. Cette analogie inattendue et encore inexpliquée leur a permis de mener à bien le calcul comportant un nombre infini de termes et de le ramener à un calcul analytique exact.
« Nous sommes en train de développer de nouvelles techniques. Le graal serait de pouvoir trouver une voie analogue pour la chromodynamique quantique, espère Gregory Korchemsky. Par ailleurs, il n'est pas impossible que l'hypothèse supersymétrique fournisse une approximation convenable pour 90 % des problèmes. »
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