L'Univers est grand et le devient de plus en plus dans l'œil de Desi, qui entreprend de cartographier plus de 40 millions d'objets astrophysiques. L'enjeu de cette mission pilotée par l'Université de Berkeley (États-Unis) et associant des chercheurs du CEA-Irfu, est d'étudier l'énergie noire, force cosmique mystérieuse à l'origine de l'accélération de l'expansion de l'Univers. La collaboration livre son premier lot de données, que le centre NERSC (National Energy Research Scientific Computing Center) de Berkeley met à disposition de la communauté : près de 2 millions de galaxies, quasars (trous noirs supermassifs) et étoiles, situés à des millions ou des milliards d'années-lumière.
Représentant 80 téraoctets, ces données ont été acquises entre 2020 et 2021, depuis l'observatoire américain Kitt Peak en Arizona, lors de la phase dite de « validation du relevé ». Celle-ci consiste en une sélection des régions du ciel et des 40 millions d'objets à étudier, ainsi qu'au calibrage de l'instrument lors d'observations préliminaires.
« Desi fonctionne très bien et la quantité de données de qualité qu'il a recueillies pendant la validation du relevé est comparable à celle d'études précédentes », atteste Nathalie Palanque-Delabrouille, co-pilote de Desi et scientifique du CEA-Irfu aujourd'hui au Berkeley Lab. « Nous avons pu optimiser notre sélection, confirmer notre stratégie d'observation et ainsi démontrer que Desi est sur la bonne voie pour atteindre ses buts scientifiques. C'est une grande réussite », surenchérit Christophe Yèche qui co-dirige au CEA-Irfu le groupe de sélection de Desi. Une réussite à laquelle s'ajoutent deux découvertes intéressantes : une migration massive d'étoiles dans la galaxie d'Andromède ; et l'incroyable éloignement des quasars.
Établir la carte cosmique de la répartition spatiale des galaxies
Conçu avec d'autres équipes du CEA-Irfu, Desi est le spectrographe multi-objets le plus puissant au monde, capable de mesurer le spectre de plus de 100 000 galaxies en une nuit. Ces spectres indiquent aux chercheurs la distance à laquelle se trouve chaque objet, ce qui permettra d'établir une carte cosmique en 3D de la répartition spatiale des galaxies. « Pour cela, nous cherchons à capter le « redshift » des objets : cet effet définit un décalage vers le rouge du rayonnement car l'expansion de l'Univers étire la longueur d'onde de la lumière. Donc, plus la galaxie est éloignée plus son redshift est important », explique Etienne Burtin du CEA-Irfu.
La mission cherche également à mesurer un autre effet cosmologique, celui de l'oscillation acoustique. Les astrophysiciens ont ainsi pu décrire, à partir des deux premiers mois de données de la campagne officielle, la première mesure de l'échelle des distances cosmologiques. Car elle est liée à la distance parcourue par les ondes acoustiques des baryons dans le plasma primordial et elle reste visible dans la répartition spatiale des galaxies.
En avance sur le calendrier prévisionnel, Desi a déjà observé plus de 26 millions d'objets astrophysiques, sur les 40 escomptés, et en ajoute plus d'un million par mois ; un volume minimal pour appréhender l'évolution de l'énergie noire au cours des douze derniers milliards d'années de l'Univers, lui-même âgé de 13,8 milliards d'années. La collaboration apparaît placée sous une bonne étoile, elle qui précise être honorée de pouvoir mener des recherches scientifiques sur l'Iolkam Du'ag (Kitt Peak), montagne sacrée pour la nation amérindienne Tohono O'odham.