Les neutrinos sont les particules massives les plus abondantes de l'Univers. Vestiges du Big Bang ou de la combustion du cœur des étoiles, ils sont aussi produits dans certaines désintégrations radioactives, comme celle du tritium, un isotope instable de l'hydrogène.
À l'échelle cosmologique, ces poids plumes de l'Univers jouent un rôle capital dans la répartition des galaxies. Dans le domaine de l'infiniment petit, l'origine de la masse des neutrinos reste encore inexpliquée par la théorie et pourrait donc être un élément clé pour dévoiler une nouvelle physique au-delà du modèle standard. La détermination de la masse infime des neutrinos est donc une préoccupation majeure de la physique des particules, de l'astrophysique et de la cosmologie depuis des décennies.
C'est le défi que relève l'expérience internationale KATRIN, située à l'Institut de technologie de Karlsruhe (KIT). Elle utilise la désintégration bêta du tritium pour déterminer la masse du neutrino, via la distribution d'énergie des électrons libérés lors du processus de désintégration. Cette mesure de précision nécessite un effort technologique considérable : l'expérience de 70 mètres de long abrite la source de tritium la plus intense des installations de recherche fondamentale et un spectromètre géant permettant de mesurer l'énergie des électrons de désintégration avec une précision sans précédent. Suite aux premiers résultats publiés en 2019 la qualité des données a été continuellement améliorée.
Les résultats sont sans équivoque : à ce jour, aucune trace de la masse d'un neutrino n'a pu être décelée dans les données recueillies. Par conséquent, une nouvelle limite supérieure de la masse du neutrino de 0,8 eV est établie. C'est la toute première fois qu'une expérience directe passe sous le seuil de l'électronvolt, une plage essentielle tant pour la physique des particules que pour la compréhension de la structure de notre cosmos.
Le CEA joue un rôle majeur dans l'analyse et l'interprétation des données. Un chercheur de l'Irfu a en effet conçu et mis en œuvre l'architecture globale de l'analyse, qui compte de nombreuses étapes destinées à vérifier la robustesse des résultats. Par ailleurs, l'Irfu a réalisé l'une des trois analyses indépendantes qui ont conduit à la nouvelle limite de 0,8 eV/c2, une première mondiale en physique des neutrinos.
Les mesures de la masse des neutrinos se poursuivront jusqu'à la fin de 2024. D'autres améliorations pour atténuer encore plus le bruit de fond seront également mises en œuvre dans un nouveau système de détection (TRISTAN) qui permettra à KATRIN de se lancer dans la traque de neutrinos « stériles » possédant une masse de l'ordre du keV – un candidat pour la matière noire de l'Univers.
Voir l'interview filmée de Thierry Lasserre, chercheur à l'Irfu.
Lire le communiqué de presse.