La supraconductivité n'a pas encore livré tous ses secrets… Elle se caractérise par la formation spontanée de paires d'électrons dites de Cooper, malgré la répulsion électrostatique entre charges de même signe. Ces paires cohérentes et intriquées sont toutes dans le même état quantique, ce qui confère au matériau ses propriétés physiques remarquables comme l'annulation de sa résistance électrique.
Dans les supraconducteurs conventionnels, cet appariement paradoxal est favorisé par des vibrations du réseau cristallin (phonons). Dans les autres cas, il trouve son origine dans le magnétisme, et plus précisément dans les fluctuations magnétiques affectant le matériau avant la transition vers la phase supraconductrice.
Selon le modèle le plus courant, des fluctuations antiferromagnétiques favorisent la formation de paires de Cooper avec des spins antiparallèles (état singulet), comme c'est le cas dans les matériaux supraconducteurs conventionnels. En revanche, des fluctuations ferromagnétiques entraînent la formation de paires de Cooper avec des spins parallèles (état triplet).
Découverte en 2018, la supraconductivité du composé UTe2 est particulièrement intrigante : elle est en effet renforcée sous un champ magnétique très fort. Cette observation conduit les chercheurs à conclure à un état triplet. Or, en 2021, des universitaires américains mettent en évidence des fluctuations antiferromagnétiques qui ne sont a priori pas cohérentes avec un état triplet.
Des chercheurs de l'Irig et leurs partenaires ont repris ces analyses, en utilisant la diffusion de neutrons avec une instrumentation plus précise à l'Institut Laue-Langevin, à Grenoble.
La structure magnétique du composé UTe2 est organisé en sortes d'« échelles » dont les barreaux sont formés par des paires d'atomes d'uranium très proches. Les mesures neutroniques ont permis d'identifier, au milieu de fluctuations antiferromagnétiques majoritaires, des fluctuations ferromagnétiques localisées au niveau des « barreaux » de l'échelle, entre deux atomes d'uranium voisins. Cette observation s'accorde avec l'existence d'un état triplet.
Low-dimensional antiferromagnetic fluctuations in the heavy-fermion paramagnetic ladder compound UTe2, Physical Review B