La supraconductivité des matériaux, c’est-à-dire leur capacité à conduire le courant électrique sans perte d’énergie, suscite l’attention de la recherche fondamentale et appliquée. Dans un comportement bien compris, la plupart des métaux deviennent supraconducteurs à très basse température, et cet état est incompatible avec des propriétés magnétiques. La découverte de nouvelles familles de matériaux remet en question la compréhension des mécanismes de la supraconductivité. En effet, les chercheurs ont découvert des matériaux qui peuvent être à la fois magnétiques et supraconducteurs, comme par exemple certains alliages à base d’uranium.
Découverte en 2018, la supraconductivité du composé UTe
2 présente la propriété remarquable d'être robuste au champ magnétique, parce que les électrons se regroupent par paire en ayant leur spin orienté dans la même direction. Cette supraconductivité est de type « triplet de spin ». Des chercheurs de l’Irig ont réalisé des expériences de diffusion des neutrons, à l’Institut Laue Langevin de Grenoble, afin de mesurer les fluctuations magnétiques de UTe
2 au niveau atomique. Une analyse fine a permis de mettre en évidence le couplage
ferromagnétique local des atomes d'uranium au milieu de fluctuations
antiferromagnétiques dominantes. Ce couplage se situe au sein de la structure cristallographique de UTe
2, entre les deux atomes d’uranium les plus proches formant une échelle composée de montants et de barreaux (
Figure). L’hypothèse est que ce couplage ferromagnétique est très favorable à la réalisation de l’état « triplet de spin » des paires d’électrons.
Par la suite, les chercheurs étudieront précisément le lien entre les barreaux ferromagnétiques de l’échelle et la supraconductivité. Les caractéristiques obtenues par diffusion des neutrons constituent des informations essentielles, à l’échelle microscopique, pour construire une description théorique du comportement supraconducteur de UTe
2. Ces connaissances fondamentales permettront plus généralement la compréhension de la supraconductivité non-conventionnelle.
Figure : Spectre de la diffusion des neutrons dans UTe2. Les fluctuations magnétiques décrivent une courbe sinusoïdale. Le maximum de la courbe est dû au couplage ferromagnétique des atomes d’uranium (flèches rouges : moment magnétique) qui forment les barreaux d'une échelle.
© CEA
Antiferromagnétisme : les moments magnétiques des atomes voisins ont des orientations opposées.
Ferromagnétisme : les moments magnétiques ont des orientations parallèles.
Collaboration : Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses de Toulouse (LNCMI), Institut Laue Langevin de Grenoble(ILL), Université de Tohoku et Japan Atomic Energy Agency (JAEA), Japon.