Un réseau de communications ou un ordinateur quantique requiert des échanges d'informations entre nœuds ou entre mémoires et processeurs et ceux-ci passent par des vecteurs tels que des photons. Mais comment conserver un état quantique assez longtemps pour le manipuler ou le stocker avant que la « décohérence » ne l'efface ?
Des physiciens de l'Iramis ont recherché un environnement cristallin favorisant la cohérence du spin électronique d'ions erbium (Er3+).
L'erbium, impureté atomique insérée par exemple dans un cristal CaWO4, possède en effet à la fois :
- un degré de liberté de spin électronique dans son état fondamental,
- une transition optique à la longueur d'onde des fibres optiques « télécom », à 1,5 µm,
- des propriétés quantiques se prêtant au couplage de son spin électronique à des spins nucléaires voisins ou à un autre système quantique.
Cependant les mesures spectroscopiques sur la transition de spins de l'ion Er3+ (largeur de raie inhomogène et supérieure à 10 MHz) et le temps de cohérence de son spin électronique (inférieur à 50 µs) étaient jusqu'à présent jugés décevants.
Les chercheurs ont choisi la scheelite comme matrice d'accueil pour les ions erbium. C'est un cristal naturel, non dopé, à très faible densité magnétique nucléaire – car seul l'isotope 183W du tungstène (d'abondance 14 %) possède un spin nucléaire – qui contient des traces d'ions Er3+ (1 partie par milliard) en substitution du calcium.
Il est sondé par un spectromètre de RPE (Résonance paramagnétique électronique) à la limite quantique, développé par l'équipe. Le cœur du dispositif est un résonateur micro-onde (7 GHz) supraconducteur planaire, déposé sur le cristal, refroidi à 10 mK. Un champ magnétique (70 mT) est appliqué dans le plan du cristal afin d'accorder la fréquence de transition de spin de l'erbium à la fréquence de détection. Les spins sont détectés par la technique d'« écho de spin » : en réponse à deux impulsions micro-onde successives, les spins réémettent une impulsion écho dont l'amplitude est une signature de leur cohérence.
La largeur spectrale de la transition de spin atteint un minimum de 1 MHz, soit une amélioration d'un facteur dix par rapport à l'état de l'art.
Le temps de cohérence est, quant à lui, multiplié par mille par rapport aux valeurs connues pour Er3+, atteignant 23 ms. C'est le plus long temps de cohérence jamais mesuré pour un spin électronique dans un cristal non purifié isotopiquement.