Les skyrmions sont de minuscules bulles magnétiques ou « tourbillons » de spins électroniques, qui peuvent être stabilisées à l'échelle nanométrique et à température ambiante. Ces skyrmions sont prometteurs comme bits magnétiques « ultimes » pour un stockage d'informations à très haute densité.
Leur dynamique de commutation atteint le gigahertz (109 Hz) dans des matériaux ferromagnétiques, une fréquence qui pourrait être multipliée par mille dans des matériaux antiferromagnétiques et ainsi, atteindre le térahertz (1012 Hz). Cependant, les skyrmions « antiferromagnétiques » présentent une aimantation globale nulle et sont de ce fait plus difficiles à contrôler que leurs homologues « ferromagnétiques ». En effet, leur création et leur annihilation par voie électrique se heurte à leur faible sensibilité aux perturbations magnétiques.
Coupler ferroélectricité et antiferromagnétisme
Pour contourner cette difficulté, des chercheurs de l'Iramis (SPEC) et leurs partenaires ont adopté une approche originale : utiliser le couplage magnétoélectrique entre les ordres ferroélectrique et antiferromagnétique, qui cohabitent dans les matériaux multiferroïques, afin de contrôler électriquement la structure magnétique.
Le matériau support multiferroïque retenu est une couche de ferrite de bismuth (BiFeO3) qui présente un ordre antiferromagnétique stabilisé par la croissance contrainte sur un support de paramètre cristallin différent. Une série d'impulsions électriques locales sur la pointe d'un microscope AFM permet de définir un pavage en domaines ferroélectriques adjacents. L'intersection des parois de domaine définit un quadrant pouvant présenter deux orientations ferroélectriques possibles.
Cette configuration est à même de générer par couplage magnéto-électrique une texture locale orientée de spins antiferromagnétiques. L'application d'une simple impulsion de tension permet alors d'inverser la polarisation ferroélectrique du quadrant et il devient ainsi possible d'inverser l'orientation de la structure couplée des spins. Cette opération est très peu consommatrice d'énergie et l'information, une fois encodée dans la structure antiferromagnétique, est robuste et non volatile.
Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec le Laboratoire Albert Fert (CNRS-Thales), le Laboratoire Charles Coulomb (Montpellier), le Laboratoire Structure, propriétés et modélisation des solides (CentraleSupélec-CNRS) et l'Académie des sciences de République tchèque.
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