À grande échelle, les fluides qui nous entourent – atmosphère, océans, rivières – sont turbulents et leurs mouvements tourbillonnaires s'étendent sur une large gamme d'échelles spatiales et temporelles. Les équations qui gouvernent leur évolution (Navier-Stokes) sont connues depuis près de 200 ans mais il est n'est que rarement possible de simuler en détail leur comportement in silico sans modèle additionnel pour les petites échelles, faute d'espace mémoire et de capacité de calcul suffisants.
C'est pourquoi, en météorologie ou en climatologie, les équations de Navier-Stokes ont été remplacées par des modèles plus légers, se prêtant aux simulations numériques et conservant les propriétés macroscopiques de l'écoulement. Ces modèles possèdent cependant des paramètres ajustables qui doivent être calibrés par des expériences.
Jusqu'à une période récente, ces comparaisons étaient limitées par la précision de la cartographie d'un écoulement turbulent en laboratoire. Mais l'avènement de l'imagerie par tomographie laser permet aujourd'hui de mesurer les trois composantes de la vitesse d'un écoulement en volume, avec une résolution millimétrique et à des cadences d'un kilohertz.
Les chercheurs ont ainsi étudié un écoulement de von Kármán, engendré par deux turbines contrarotatives dans un cylindre, dont les taux de turbulences sont représentatifs de l'atmosphère ou de l'océan. En éclairant avec un laser des particules de verre mélangées au fluide et en les filmant, ils ont pu mesurer la composante orthoradiale du champ de vitesse.
Grâce à ces méthodes expérimentales innovantes, ils ont réussi à relever le défi de la comparaison entre mesures in fluido et simulations in silico, qui s'est révélée excellente, à la fois en termes de structure d'écoulement et d'intensité des fluctuations. D'autres confrontations in fluido/in silico concernant la dissipation de l'énergie et sa répartition à travers les échelles ont été également couronnées de succès.
Ces travaux menés en collaboration avec le Laboratoire de mécanique des fluides de Lille, le Laboratoire d'informatique pour la mécanique et les sciences de l'ingénieur (Orsay) et une université texane (États-Unis) vont prochainement être complétés, à des échelles encore plus petites, grâce à l'arrivée à l'Iramis d'un nouveau dispositif expérimental (Giant Von Kármán). L'objectif est de conduire des études approfondies de la dynamique à ces petites échelles, potentiellement singulières.