Constitué d'une couche monoatomique de carbone, le graphène est un système électronique bidimensionnel. Si on lui applique un fort champ magnétique, les électrons se répartissent sur des niveaux d'énergie bien identifiés et entièrement polarisés en spin, dans un régime dit d'effet Hall quantique.
En ajustant la densité d'électrons et le champ magnétique, on peut obtenir un ferromagnétique bidimensionnel parfait, où tous les spins électroniques pointent dans la même direction. Dans ce cas, la propagation des électrons se limite aux bords de l'échantillon et l'intérieur devient globalement isolant.
Dans un tel ferromagnétique, il est possible de produire, en appliquant un potentiel bien choisi, des ondes de spin ou magnons qui sont des oscillations de spins électroniques, sans déplacement de charges électriques. Selon les théoriciens, ces excitations magnétiques présenteraient un dipôle électrique.
Pour le vérifier, des chercheurs de l'Iramis ont sondé des magnons à l'aide d'un interféromètre de Mach-Zehnder électronique, réalisé dans une jonction p-n en graphène (lire une actualité précédente).
L'effet dipolaire recherché déséquilibre les deux bras de l'interféromètre, introduisant un déphasage bien visible. Par ailleurs, la dégradation du contraste de la figure d'interférences témoigne d'une émission aléatoire de magnons.
Cette preuve expérimentale a pour conséquence qu'il devient possible de commander des magnons grâce à un champ électrique, et non pas seulement grâce à un champ magnétique, moins aisé à manipuler. Elle ouvre en réalité tout un champ expérimental, basé sur une nouvelle classe de circuits quantiques.
Ces travaux ont été réalisé en collaboration avec l'IPhT et des expérimentateurs japonais (NTT Basic Research Laboratories et National Institute for Materials Science).