Les conducteurs bidimensionnels, en régime d'effet Hall quantique, permettent de réaliser des circuits pour l'optique quantique électronique, analogues à des dispositifs optiques avec des photons. Sous un champ magnétique intense, perpendiculaire au conducteur, des « canaux » électroniques s'ouvrent, exclusivement sur les bords du conducteur, et les électrons s'y propagent sans dissipation d'énergie, suivant la direction imposée par le sens du champ.
Le conducteur le plus étudié jusqu'à présent est constitué d'hétérostructures semi-conductrices GaAs/GaAlAs mais un nouveau matériau, le graphène, apparaît de plus en plus prometteur. Il manque cependant un composant clé pour réaliser des expériences d'interférométrie : l'équivalent d'une lame séparatrice pour mélanger ou recombiner deux faisceaux quantiques et dont il faut maîtriser la transmission.
Les chercheurs de l'Iramis ont mis à profit les propriétés électroniques du graphène pour réaliser une séparatrice avec une transmission ajustable et ont pu en modéliser le fonctionnement. Le graphène est encapsulé entre des couches de nitrure de bore BN et une couche de graphite permettant de le polariser. L'échantillon de graphène de dimension micrométrique est séparé en deux zones adjacentes, l'une « dopée n » et l'autre « dopée p », selon le potentiel localement appliqué.
En régime d'effet Hall quantique, les électrons se propagent le long de « canaux de bord » et la conduction est ouverte à plusieurs états quantiques. Leur quadruple dégénérescence étant levée, ces états se distinguent par leur spin (up ou down) et leur état de « vallée » (deux états quantiques d'impulsion K ou K', liés au fait que la maille du graphène possède deux atomes par maille). Les séparatrices implantées sur le circuit développé à l'Iramis permettent de séparer de façon contrôlée, puis recombiner après leur propagation le long de la jonction p-n, chaque onde électronique avec des états de vallée et de spin bien définis.
Deux ondes électroniques, avec des états de spin et de vallée distincts, circulent ainsi en sens contraire le long des bords de chaque domaine dopé. Chacune est séparée en deux faisceaux précisément à la frontière de la jonction p-n. Il suffit de déplacer le point de mélange pour accorder le coefficient de « transmission » des séparatrices. Les physiciens ont ainsi pu réaliser un interféromètre électronique de type Mach-Zehnder, dont ils ont aussi modélisé le fonctionnement.
Les premières figures d'interférences obtenues montrent une robustesse vis-à-vis de la décohérence qui dépasse de loin celle des interféromètres électroniques réalisés avec des hétérostructures GaAs/GaAlAS.