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Modélisation des interactions de qubits avec leur environnement


​Des théoriciens de l'IPhT (CEA/CNRS) et d'IBM Quantum proposent un modèle qui décrit finement la dynamique et la perte de cohérence de qubits supraconducteurs dans un processeur quantique. En cause, leurs interactions entre eux et avec leur environnement.

Publié le 12 mars 2024

​Peu importe sa vitesse ou sa puissance, un processeur quantique n'a d'intérêt que si ses calculs sont exempts d'erreurs. Or celles-ci résultent de la décohérence dans le temps des bits quantiques qui le composent ; une décohérence qui se manifeste par la perte de leur intrication quantique. En cause, le fait que ces qubits ne sont pas parfaitement isolés dans le dispositif : les interactions avec cet environnement tendent à détruire les très fragiles superpositions quantiques qui sont indispensables au fonctionnement des algorithmes quantiques. D'autres source d'erreurs sont certaines interactions des qubits entre eux.

C'est pourquoi l'IPhT et IBM quantum ont proposé de caractériser finement ces perturbations, grâce à un modèle théorique dont ils ont assuré la robustesse en montrant la conformité des données de leurs simulations avec celles de leurs expériences.

L'étude a porté sur la technologie de qubits supraconducteurs d'un processeur d'IBM de génération très récente (Eagle). Composé de 127 qubits organisés en damier, ce processeur est entouré d'une connectique complexe via laquelle sont envoyées des impulsions micro-ondes qui pilotent les qubits, le tout placé dans l'environnement très froid d'un cryostat. « Autant de perturbations et de bruits parasites extérieurs aux qubits que nous avons cherché à caractériser et à quantifier, ainsi que les interactions des qubits entre eux », indique Grégoire Misguich, physicien à l'IPhT. 

Pour ce faire, les théoriciens ont établi un modèle de ces perturbations en différents paramètres et valeurs d'intensité, sachant que dépendant de leur position dans le « damier » chaque qubit n'est pas soumis aux mêmes perturbations. Ils ont ensuite procédé à des simulations sur 12 qubits à chaque fois, « il nous aurait fallu un ordinateur quantique pour simuler les 127 qubits ensemble mais nous sommes toutefois parvenus à simuler 2 x12 qubits ce qui demande des techniques avancées avec un ordinateur classique », précise le théoricien.

Chaque qubit est unique

Les expériences ont consisté à piloter les qubits à partir d'impulsions micro-ondes judicieusement choisies pour :

  • Les placer dans un état quantique très intriqué, appelé graph state, afin de pou​voir ensuite quantifier précisément leur perte d'intrication et de cohérence ;
  • Laisser leur état quantique évoluer dans le temps, alors qu'ils sont simplement soumis à leur environnement et propres interactions ;
  • Effectuer des mesures sur les qubits, utilisant des observables (appelées stabilizers) qui renseignent sur leurs corrélations, pour caractériser leur état collectif.

Ces opérations ont été répétées des milliers de fois sur l'ensemble des groupes de 12 qubits du processeur quantique et l'ensemble des données recueillies a été comparé à celles des simulations. Résultat : une excellente corrélation des valeurs mesurées pour chaque observable, par l'expérience et par la simulation ! À noter: « les valeurs obtenues dans notre étude ne sauraient être les mêmes sur d'autres processeurs ou technologies de qubits supraconducteurs car chaque qubit est unique », tient à préciser le chercheur.


Ce modèle théorique décrit néanmoins de façon précise et quantitative la dynamique et la perte de cohérence quantique des qubits au cours du temps, et donne des informations fines à la fois sur l'action de l'environnement et sur les interactions non-souhaitées entre les qubits. Ce travail ouvre la voie à un meilleur contrôle de ces systèmes. ​


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