Pour la traque d'exoplanètes dans le voisinage solaire, il existe une cible de choix : Alpha Centauri A et B, deux étoiles similaires à notre Soleil en taille et en âge, en orbite l'une autour de l'autre. Or les méthodes de détection indirecte ne sont pas assez sensibles pour déceler des planètes rocheuses dans la zone « habitable » de ces étoiles, là où l'eau pourrait être présente sous forme liquide.
Un consortium d'astrophysiciens européens a donc entrepris d'optimiser l'imagerie directe de ces exoplanètes. Pour cela, il a couplé l'instrument infrarouge VISIR, construit sous maîtrise d'oeuvre du CEA, à l'un des télescopes du VLT (Very Large Telescope) de l'Observatoire austral européen (ESO), qui a été récemment équipé d'un système d'optique adaptative destiné à corriger les effets de la turbulence atmosphérique.
Pour détecter une exoplanète près d'un million de fois moins brillante que son étoile, à une distance angulaire d'une seconde d'arc seulement, il a développé un coronographe permettant de masquer alternativement Alpha Centauri A puis Alpha Centauri B. Ils ont ainsi pu réduire toutes les formes de bruit provenant du ciel, de la caméra et du télescope, et, par accumulation des observations, gagner en sensibilité.
L'équipe a observé Alpha Centauri A et B pendant près de 100 heures au cours d'un mois en 2019, collectant plus de 5 millions d'images. Le traitement des données brutes a révélé une source ponctuelle évoquant une planète de la taille de Neptune ou de Saturne, située à une distance d'Alpha Centauri A voisine de la distance Terre-Soleil. Cependant, un artefact instrumental d'origine inconnue ne peut être exclu tant que sa présence n'est pas confirmée par d'autres observations.
Les chercheurs de l'Irfu ont contribué à la conception de l'instrument, notamment en s'appuyant sur leur longue expérience de la caméra VISIR, et ont fourni le logiciel permettant de corriger les erreurs systématiques et de sélectionner les meilleures images parmi les 10 téraoctets (1013 octets) de données collectées au cours de la campagne.
La prochaine génération de télescopes de très grande taille (Extremely Large Telescope, E-ELT) pourra observer dix fois plus d'étoiles proches, susceptibles d'être dotées de planètes « habitables », que le VLT. Dans cette perspective, l'Irfu participe à la conception et à la construction de l'instrument METIS (Mid-infrared ELT Imageur and Spectrograph) qui équipera le télescope E-ELT de l'ESO.
Ces travaux s'inscrivent dans le cadre de l'initiative « Nouvelles terres dans la région d'Alpha Centauri » (Near Earths in the AlphaCen Region, NEAR), soutenue par le programme astronomique mondial de recherche de planètes semblables à la Terre autour d'étoiles proches Breakthrough Watch et l'ESO.
Voir la vidéo Breakthrough Watch/NEAR.