Une tomate qui mûrit voit ses chloroplastes (verts) se transformer en chromoplastes (rouges). Les premiers assurent la photosynthèse à l'aide de pigments chlorophylliens tandis que les seconds seraient dépourvus de fonction métabolique et dissiperaient l'excédent d'énergie lumineuse reçue grâce à leurs pigments colorés à base de caroténoïdes, également présents dans de nombreux autres fruits, légumes, fleurs ou algues.
Dans une étude précédente, les chercheurs de Joliot avaient mis en évidence un mécanisme photophysique original impliquant des agrégats de caroténoïde (lycopène), extraits de chromoplastes de tomates à maturité. Dans ce schéma, l'absorption d'un photon solaire est suivie d'une réorganisation des états d'énergie du caroténoïde. Tout se passe comme si l'état excité « singulet » (caractérisé par une fonction d'onde électronique unique) était scindé en deux états « triplets » (caractérisés par une dégénérescence des fonctions d'onde électronique égale à trois). Cette « fission du singulet » est un processus quantique singulier impliquant des couplages de spin électroniques. Elle n'est observée que dans les agrégats de lycopène, et pas dans les molécules isolées. Est-elle exceptionnelle ou au contraire générique dans les chromoplastes ?
Pour le savoir, les biologistes ont choisi d'étudier cette fois des agrégats de lutéine et de violaxanthine, deux caroténoïdes présents dans les chromoplastes de jonquille (Narcissus pseudonarcissus L.). Des expériences de spectroscopie électronique résolue dans le temps et de spectroscopie Raman révèlent sans ambiguïté que la fission du singulet se produit pareillement dans ces agrégats et permettent pour la première fois aux scientifiques de décrire complètement la voie de fission du singulet des caroténoïdes dans une fleur.
Ce résultat de biologie très fondamental pourrait inspirer de nouvelles voies de recherche, notamment pour améliorer le rendement quantique de cellules photovoltaïques. Celles-ci pourraient en effet produire, à partir des deux états triplets, deux électrons pour un photon absorbé.
Ce travail est le fruit d'une collaboration entre le CEA-Joliot, l'Institut Jean-Pierre Bourgin (INRAE, AgroParistech, Université Paris Saclay) et l'Université de Vilnius (Lituanie).