Satisfaire les besoins d'une population mondiale croissante, anticiper la raréfaction des ressources fossiles carbonées et réduire les émissions de carbone à l'origine du changement climatique sont autant de défis incitant à un changement de paradigme dans les secteurs de l'énergie et de la chimie : la fermeture du cycle de matières premières élémentaires comme le carbone et silicium.
Cependant, les rejets carbonés (CO2 ou déchets de biomasse) sont par nature fortement oxydés et la grande stabilité des liaisons C-O rend difficile leur valorisation en produits chimiques ou en carburants. Il faut donc développer des méthodes de réduction efficaces pour former des liaisons C-H riches en énergie comme celles présentes dans les hydrocarbures fossiles.
Le méthanol (CH3OH), précurseur important de produits chimiques industriels (formaldéhyde, acide acétique ou oléfines légères), est une molécule intéressante qui permet de stocker de l'énergie. Au niveau industriel, il est aujourd'hui produit par oxydation du méthane (CH4), provenant pour l'essentiel de gisements de pétrole, de gaz naturel et de schistes. Serait-il possible que le CO2, et non plus le méthane, donne son atome de carbone à un précurseur du méthanol ?
Les chercheurs de l'Iramis montrent que le méthanol pourrait en effet être produit à partir de l'acide formique (HCOOH), obtenu par électro-réduction de CO2 ou issu de la biomasse. Dans une étude précédente, ils avaient prouvé que l'on peut générer du méthanol à partir d'acide formique avec un rendement de 50 %, en présence d'un catalyseur à base de ruthénium. Ce rendement était cependant limité par une réaction concurrente de déshydrogénation.
Cette même équipe révèle qu'il est possible d'éviter cette réaction secondaire en remplaçant le proton de l'acide formique par un groupe silyle (SiR3) et en utilisant des formiates silylés (HCOO-SiR3), des déchets dérivés de siloxanes produits par les industries pharmaceutique, médicale, cosmétique ou alimentaire. Leur nouveau procédé repose ainsi sur la formation de méthoxysilanes (CH3-O-SiR3) à partir de formiates silylés, une réaction catalysée très efficacement (avec un rendement supérieur à 75 %) par des complexes de ruthénium. Le méthanol est ensuite obtenu par hydrolyse des méthoxysilanes.
Ainsi proposent-ils une nouvelle voie vers le méthanol à partir de deux déchets en contribuant au recyclage du CO2 et du silicium. De plus, les sous-produits indésirables du procédé sont aussi aisément recyclables : ceux issus des réactions impliquant du silicium peuvent redonner des formiates silylés par réaction avec l'acide formique.