Les images satellitaires montrent une forte réduction des polluants atmosphériques (oxydes d'azote) au-dessus des grandes villes depuis le début de l'épidémie de COVID-19. Mais qu'en est-il des émissions de CO2 dans l'agglomération parisienne ? D'un côté, la circulation automobile s'est presque arrêtée mais de l'autre, le confinement de la population et les températures plutôt fraîches du mois de mars ont augmenté les émissions liées au chauffage des logements.
Les mesures très précises du CO2 atmosphérique, enregistrées en temps réel par les chercheurs du LSCE à partir de sept stations dispersées dans la région parisienne, apportent un éclairage inédit sur l'évolution récente des émissions de CO2. Trois jours seulement après le début du confinement et malgré des conditions météorologiques propices à l'accumulation de CO2 et de polluants, la concentration de CO2 a brutalement chuté au centre de Paris.
Selon Michel Ramonet, chercheur au LSCE, « les teneurs atmosphériques en CO2 mesurées au-dessus de Paris sont, chaque année, maximales en janvier et février. Non seulement le chauffage des bâtiments est plus fort mais les épisodes anticycloniques favorisent l'accumulation du CO2 et des polluants dans les basses couches de l'atmosphère ». De plus, la végétation n'a pas encore démarré et les sols respirent du CO2 qui s'ajoute aux émissions liées aux activités humaines. Les pics de CO2 observés coïncident donc en principe avec ceux des principaux polluants.
Déduire de ces observations les émissions parisiennes de CO2 n'est cependant pas simple. Le CO2 est en effet un gaz à longue durée de vie et des vents de nord-est peuvent aussi transporter jusqu'à nous du CO2 provenant de l'ouest de l'Allemagne ou du Benelux. Alors comment distinguer le CO2 que nous émettons de celui importé des pays voisins ? Pour y parvenir, les scientifiques comparent les concentrations en CO2 mesurées à Paris intra muros et en dehors de l'agglomération.
Habituellement, les teneurs en CO2 mesurées à Jussieu et à la Cité des sciences et de l'industrie sont supérieures à celles relevées dans la station de Saclay, à 20 kilomètres au sud de Paris. La différence peut atteindre jusqu'à 100 parties par million (ppm), ce qui révèle des émissions plus intenses au cœur de Paris, modulées par les conditions météorologiques.
Or, dès le début du confinement, cette différence de CO2 a chuté brutalement pour atteindre une valeur proche de zéro, très inférieure aux observations des années précédentes en début de printemps. Selon Philippe Ciais, chercheur au LSCE, « ces données indiquent que les émissions de CO2 ont été réduites de près de 70 % par rapport aux mois de mars et avril d'une année normale, avec une marge d'erreur de 15 %. »
Les mesures de monoxyde de carbone, réalisées en parallèle dans les stations météorologiques, confirment cette estimation : une réduction de 85 % est observée pour ce polluant lié au trafic automobile.
Le réseau de mesure du CO2 en Île-de-France, coordonné par le LSCE, bénéficie des contributions du service national d'observation ICOS-France (Integrated Carbon Observation System), de l'Observatoire de Versailles St-Quentin-en-Yvelines, de l'Institut Pierre Simon Laplace, de Sorbonne Université et de la Cité des sciences et de l'industrie.
Différences entre les émissions de CO2 mesurées à Paris et à Saclay (Essonne) en parties par million : les mesures parisiennes sont réalisées à la Cité des sciences et de l'industrie sur le premier graphique et à Jussieu sur le second.