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Chlordécone

Le lien entre pratiques agricoles, érosion et contamination des sols


​Une étude du LSCE (CEA/CNRS/UVSQ), du BRGM et du CIRAD apporte un nouvel éclairage sur l'ampleur de la contamination des sols par la chlordécone, insecticide utilisé jusqu'en 1993 aux Antilles françaises. A partir des inventaires de radiocésium couplés à des mesures de chlordécone, cette étude met en évidence la persistance de la pollution. En cause notamment, l'érosion des sols liée aux pratiques agricoles qui entraîne une accumulation des particules contaminées en bas de versant de bananeraies.

Publié le 18 décembre 2024

​Une nouvelle étude a mesuré les concentrations en chlordécone dans les sols d'une bananeraie et dans les sédiments d'une retenue agricole, qui draine les champs de bananeraies dans lesquelles l'insecticide a été massivement utilisé jusqu'en 1993 dans les Antilles françaises.

Le verdict est sans appel : « si l'on considère un transfert particulaire constant et au vu des stocks présents dans les sols, le temps nécessaire pour transférer l'intégralité de la chlordécone contenue est compris entre 4000 et 11 000 ans, du fait notamment du stockage de ce polluant dans les sols et les dépôts de bas de versants cultivés », annonce Remi Bizeul, dont la thèse au LSCE est au cœur de l'étude conduite avec le BRGM et le Cirad.

Les résultats révèlent en effet une contamination des couches profondes du sol, jusqu'à 80 cm, due à la remobilisation et à l'accumulation de particules de sol contaminées en bas de pente.

Une accélération du taux d'érosion des sols

Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont utilisé la méthode des inventaires de radiocésium (Cs-137), émis par les essais nucléaires atmosphériques des années 1960, qui renseignent sur la redistribution des sols. Ils les ont couplés aux mesures de concentration en chlordécone pour étudier la redistribution des particules contaminées.

L'analyse du remplissage sédimentaire de la retenue agricole, rapportée à la surface drainée, leur a permis de déterminer l'évolution temporelle des taux d'érosion des sols. Concomitamment à l'augmentation des concentrations en chlordécone depuis les années 2000, cette érosion a connu une accélération qu'explique Olivier Evrard, directeur de la thèse : « nous montrons l'apport de sédiments contaminés aux rivières et au littoral martiniquais, ainsi que l'augmentation de cet apport suite à un changement de pratiques agricoles comme le désherbage chimique et le labour intensif qui accroissent l'érosion des sols cultivés. »

Des transferts par voie dissoute et par voie particulaire

L'étude propose également un nouvel éclairage sur les processus de transfert de l'insecticide dans l'environnement. Auparavant, les chercheurs s'intéressaient essentiellement au transfert par voie dissoute. Ce mode correspond à la contamination des eaux souterraines par infiltration de l'eau et de la chlordécone associée dans les sols et, in fine, des rivières et des sources côtières par drainage des nappes souterraines. Dans le cas présent, ils considèrent également les transferts par voie particulaire, c'est-à-dire l'arrachement et le transport des particules contaminées. Ces deux processus conduisent à la dispersion sur le long terme de la contamination dans l'environnement et constituent un risque pour les écosystèmes et les populations situés en aval des zones contaminées.

Ces recherches, menées dans le cadre du Plan Chlordécone 2021-2027, soulignent l'importance d'une prise de conscience collective pour diminuer l'érosion des sols agricoles afin de limiter le transfert de la chlordécone depuis les parcelles contaminées vers les écosystèmes en aval. 

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