Incontournable pour le recyclage des métaux lourds, l'hydrométallurgie est une technique d'extraction largement répandue dans l'industrie (nucléaire, électronique, optique, pharmacie, etc.). Comme son nom l'indique, elle comporte une étape où le métal est mis en solution avant purification. Celle-ci peut être réalisée par extraction liquide-liquide, un procédé qui utilise très souvent plusieurs molécules extractantes différentes, agissant en synergie. En l'absence de modèle prédictif, ces molécules étaient jusqu'à présent choisies de manière empirique.
Les chercheurs ont imaginé une nouvelle approche pour décrire l'échange d'espèces chimiques entre fluides sous l'influence de forces colloïdales, sans champ électrique extérieur (la ienaïque). Ils sont parvenus à étendre leur modèle d'interactions physico-chimiques au-delà du premier « voisin » en solution et ainsi à expliquer les synergies entre molécules. La résolution de cette énigme attendait sa résolution depuis les années 1960...
Pour valider leur nouvelle théorie, ils ont effectué des mesures à un niveau de précision encore jamais atteint afin d'identifier les forces moléculaires en jeu chez les chevilles ouvrières de l'extraction que sont les agrégats. Ils ont ainsi pu quantifier rigoureusement, pour la première fois, l'évolution de la sélectivité d'extraction dès que la synergie entre molécules apparaît.
La puissance de ce nouvel outil leur a permis de découvrir une toute nouvelle synergie, impliquant cette fois des molécules non extractantes, de la classe des hydrotropes (qui solubilisent les composés hydrophobes dans des solutions aqueuses) – une famille chimique jusque-là non utilisées pour le recyclage. Cette innovation a fait l'objet d'un dépôt de brevet.
Autre application : la ienaïque permet enfin de prédire la viscosité des fluides utilisés en hydrométallurgie nucléaire, qui était un verrou important, limitant l'intensification des procédés.
Après avoir porté leurs premiers efforts sur l'extraction des métaux lourds et stratégiques, les scientifiques revisitent désormais la centrifugation et l'émulsification spontanée : ils ont déjà réussi à réduire les quantités de fluides utilisés et donc les effluents. Un premier pas vers des procédés plus verts !
Ces résultats remarquables annoncent une renaissance de l'hydrométallurgie dans les pays aux normes environnementales contraignantes et, d'ici une dizaine d'années, des sauts technologiques majeurs dans les secteurs des bioraffineries et de la pharmacie.
Ces travaux ont été menés en collaboration entre l'ICSM (CEA, CNRS, École nationale supérieure de chimie de Montpellier, Université de Montpellier), le CNRS et les Universités de Ratisbonne (Allemagne) et de Montpellier notamment.