Les microtubules sont des bio-polymères, minuscules tubes creux présents à l’intérieur des cellules. Ils forment un réseau dense appelé cytosquelette, littéralement « squelette de la cellule ». Ils déterminent la forme des cellules et participent à des événements essentiels comme la division et la mobilité cellulaires. Les microtubules sont abondants dans les neurones : ils sont nécessaires au maintien des prolongements de ces cellules, les axones et dendrites qui assurent la transmission de l’influx nerveux dans le cerveau. Par ailleurs, les microtubules sont des structures dynamiques : ils sont capables de s’allonger et de raccourcir. Ce remodelage des microtubules permet de moduler l’architecture et l’activité des cellules. Dans les neurones, les microtubules dynamiques co-existent avec des microtubules ultra-stables, ces derniers garantissant le maintien des prolongements neuronaux à la base du câblage du système nerveux. Cette stabilité des microtubules est assurée par des protéines spécialisées qui se lient aux microtubules et qu’on appelle des MAP (pour Protéines associées aux microtubules). Élucider les mécanismes d’action de ces MAP constitue donc un enjeu majeur dans la compréhension du comportement des microtubules, et plus particulièrement dans le contexte du neurone.
Des chercheurs de l’Institut des Neurosciences de Grenoble et de l'Irig s’intéressent à MAP6, une protéine neuronale découverte pour sa capacité à stabiliser les microtubules. Des souris déficientes en MAP6 souffrent de troubles sévères proches de ceux observés chez les patients atteints de schizophrénie, ce qui est dû, au moins en partie, à une altération de la stabilité des microtubules. Dans ce contexte, les chercheurs ont identifié de nouvelles propriétés de MAP6. Ils ont découvert que cette protéine se localise dans la lumière[1] des microtubules, identifiant ainsi le premier composant localisé à l’intérieur des microtubules neuronaux. Cette localisation de MAP6 induit la croissance des microtubules sous forme d’hélice, une structure très particulière jamais observée auparavant. Les microtubules en hélices générés par MAP6 ont une largeur équivalente à celle des axones ; ils pourraient donc définir le diamètre des axones et/ou conférer aux axones une résistance physique face aux forces de compression qu’ils rencontrent dans les tissus du cerveau au cours de leur croissance.
Cette découverte pionnière de la première protéine présente dans la lumière des microtubules neuronaux ouvre un tout nouveau champ d’investigation pour comprendre cette face cachée des microtubules. Explorer la vie intérieure des microtubules neuronaux, jusqu’à ce jour inconnue, devrait révéler de nouvelles fonctions de ces bio-polymères.
[1]Lumière: espace occupant l'intérieur d'un organe tubulaire.