Les essais sur les candidats médicaments sont des processus longs, coûteux et seulement 10% des molécules testées sont au final commercialisés. Une piste pour optimiser ce processus consiste à identifier de façon précoce les candidats présentant la meilleure efficacité et une toxicité minimale en évaluant leur comportement in vivo. Pour cela, les chercheurs « marquent » ces molécules, c’est-à-dire leur « collent » une étiquette, sans les dénaturer, pour suivre leur parcours et leurs effets dans l’organisme. Une technique consiste à substituer certains atomes d’hydrogène (H) de la molécule par ses isotopes, le deutérium D (stable) ou le tritium T (radioactif).
Le défi scientifique relevé par des chercheurs du CEA-Joliot est de réaliser cet échange (H en D ou T) de façon rapide et respectueuse de l’environnement, sans passer par la formation d'intermédiaires de synthèse, limitant ainsi la production de déchets radioactifs. « Nous avons mis au point une méthode de marquage isotopique par le tritium très efficace mettant en jeu un pré-catalyseur d'iridium », explique Grégory Pieters, chimiste au CEA-Joliot. Les catalyseurs agissent comme des ciseaux pour couper les liaisons H-C et permettre l’échange de l’atome d’hydrogène par le tritium. Cette méthode se distingue des techniques existantes par sa facilité de mise en œuvre car ce pré-catalyseur, commercial, est stable à l'air donc facilement manipulable. En outre, son champ d'application est vaste car des principes actifs extrêmement complexes et fragiles ont pu être radiomarqués. Aussi, les scientifiques ont pu atteindre des taux d'incorporation records de tritium sur la molécule.
Par ailleurs, ces mêmes chercheurs ont obtenu des résultats plus fondamentaux concernant le marquage au deutérium. « Nous avons montré, et c’est une première, que l’ajout de ligands organiques à la surface d’un catalyseur hétérogène de ruthénium permet de favoriser des réactions d’activation C-H par rapport à d’autres réactions non-désirées dans le cadre du marquage de molécules complexes (échange H-D) », précise Grégory Pieters. Cette nouvelle approche, potentiellement applicable à un grand nombre de catalyseurs hétérogènes, pourrait conduire à la découverte de nouvelles réactions facilitant l’accès à des produits d’intérêt pharmaceutiques.