L'arrivée des IRM à haut champ, 7 teslas (7 T) puis bientôt à 11.7 T, permet d'observer le corps humain avec une résolution de plus en plus fine. Ces images d'une grande précision s'accompagnent
de facto d'un allongement du temps d'acquisition des données. Ainsi, avec les technologies standards, recueillir les données d'un cerveau humain avec une résolution de 100 µm de côté durerait pas moins de 3 heures sur un IRM à 11.7T. Autant dire une éternité pour un examen plutôt bruyant et nécessitant un confinement dans un tube pas toujours bien vécu par les personnes claustrophobes.
Les chercheurs du CEA-Joliot ont réussi à diminuer fortement ce temps d'acquisition, pour le faire passer de 3 heures à…. moins de 10 minutes ! «
Cette performance permettrait aussi de faciliter grandement les examens pour les enfants à qui il est difficile, voire impossible, de rester immobile pendant l’examen, souligne Philippe Ciuciu, responsable de cette étude au CEA-Joliot.
L’accélération drastique de l’acquisition pourra éviter les images floutées en raison des mouvements. »
Pour cela, les mathématiciens ont redoublé d’inventivité dans leurs algorithmes avec de nouvelles techniques d'échantillonnage. «
Les données sont mesurées le long de courbes qui sont contrôlées par des champs magnétiques, raconte Carole Lazarus, premier auteur de cette étude et finaliste du
concours MT180[1] 2018 de l’Université Paris-Saclay.
Tout cela se passe dans ce que l’on appelle l’espace de Fourier. » Afin de nous expliquer ce qui se passe dans cet espace, dans lequel les chercheurs projettent la distribution d'énergie du signal capté par l'IRM en fonction de la fréquence, la jeune chercheuse fait un parallèle avec le jeu snake, dans lequel un serpent doit manger un maximum de pommes sur son passage. «
On doit piloter un serpent, à l’aide de champs magnétiques, pour qu’il passe par un certain nombre de pommes qui représentent les données IRM, explique Carole Lazarus.
Il y a des pommes rouges et des pommes vertes. Les premières représentent les informations de contraste (basses fréquences) et les secondes les contours de l’image, les détails fins (hautes fréquences). » Tout le travail des chercheurs a consisté à marquer un maximum de points à ce « jeu », à savoir aller le plus vite possible tout en passant par un maximum de pommes, sachant que les pommes rouges valent plus de points que les vertes (voir figure ci-dessous).
Principe vulgarisé de la recherche d’une trajectoire optimale dans l’espace de Fourier. © Carole Lazarus/CEA.
Les algorithmes des chercheurs consistent donc à générer une trajectoire segmentée optimale pour parcourir l’espace de Fourier. Plus le nombre de segments diminue, plus le gain en temps augmente. Il faut alors trouver le meilleur compromis entre l’accélération et la couverture globale de l’espace de Fourier pour recouvrer à la fois le contraste global de l‘image et ses détails. «
Il s’agit d’une méthode purement logicielle qui peut être adaptée à n’importe quelle machine IRM », souligne Philippe Ciuciu. Cette accélération de l’acquisition pourrait donc être mise en place à moindre coût sur les nouveaux IRM, comme sur ceux actuellement en service dans les hôpitaux.
L’étrange soleil ci-dessus représente les trajectoires pour réduire d'un facteur vingt le temps d’acquisition d’un examen IRM. Loin des lignes droites des acquisitions classiques, ces trajectoires remplissent l'espace de façon efficace et selon une distribution optimale © Carole Lazarus/CEA.
[1] Ma thèse en 180 secondes