Les « gaz bidimensionnels » de trous dans le germanium ne manquent pas d'atouts pour la nano-électronique et la spintronique. Plus mobiles que les électrons, les trous possèdent un fort « couplage spin-orbite » qui rend possible la manipulation de leur spin par un champ électrique.
Dans cette perspective, des chercheurs de l'Inac ont choisi d'explorer le potentiel de nanostructures SiGe/Ge/SiGe, fabriquées par dépôt chimique en phase vapeur pour minimiser les défauts.
Dans un premier dispositif, ils sont parvenus à définir des « points de contact » quantiques à l'aide de grilles électrostatiques. Ils ont en effet pu confiner des trous dans un canal nanométrique en germanium, de largeur proche de leur longueur d'onde. Ils montrent que les trous, au spectre d'énergie discrétisé, parcourent ce canal sans interaction avec des impuretés, aussi librement que si la résistance du matériau était annulée. Leur état quantique est donc ainsi préservé. Ce « transport balistique » à basse température s'accompagne d'une quantification de la conductance du canal.
Dans un deuxième temps, les chercheurs ont connecté ce canal à des électrodes supraconductrices en aluminium, pour propager l'état supraconducteur dans le germanium et obtenir ainsi une « jonction Josephson ». À 16 millikelvins, ils ont observé un courant en régime supraconducteur, contrôlable par une grille dans le germanium. En reliant deux jonctions de ce type dans une boucle supraconductrice, ils ont réalisé des « SQUIDs » (dispositifs d'interférence quantique supraconducteurs) qu'ils ont ensuite caractérisés par spectroscopie tunnel.
Ces résultats ouvrent la voie à de nouveaux types de bits quantiques, parmi lesquels des qubits de spin contrôlés par un champ électrique ou bien des qubits supraconducteurs (transmons), basés sur des jonctions Josephson avec une grille électrostatique. Ces qubits devraient être à la fois robustes vis-à-vis de la décohérence et rapides à commuter.
Plus fondamentalement, la supraconductivité induite dans un matériau unidimensionnel, en présence d'un fort couplage spin-orbite, pourrait mettre les chercheurs sur la piste des mystérieuses quasi-particules de Majorana, aux « états topologiques » supraconducteurs.
Ce travail a été réalisé à la « Plateforme technologique amont » du CEA, à Grenoble. Il est le fruit d'une collaboration avec l'Université de Warwick (Grande-Bretagne) et l'Université Technique de Delft qui ont fabriqué les hétérostructures Ge/SiGe, ainsi que l'Université de Pittsburgh (États-Unis).