La culture de cellules humaines en deux dimensions (2D) sur du plastique a permis des avancées majeures en biologie, mais elle modélise très mal la réalité du microenvironnement cellulaire dans un tissu. Une équipe de BIG a mis au point une méthode de culture de substituts d’organes, les organoïdes, qui comblent un vide entre l’étude classique en 2D et le modèle animal. « Ce sont des billes 3D de Matrigel générées par microfluidique », explique Xavier Gidrol, chercheur à BIG. Les scientifiques se sont tout d’abord concentrés sur des tissus glandulaires et ont généré des organoïdes prostatiques et mammaires.
« Nous avons ensuite développé des techniques pour faire muter les cellules, soit en favorisant l’expression de certains gènes, soit au contraire en les empêchant de s’exprimer », poursuit le biologiste. Mais comment faire pour pénétrer ces organoïdes et moduler l’expression des gènes des cellules ? « Par électroporation. Il s’agit, avec un petit choc électrique, de créer momentanément des pores dans les membranes des cellules. On peut alors faire entrer des microARN artificiels ou des plasmides pour, respectivement mimer, une perte ou un gain de fonction de certains gènes ». Les chercheurs ont démontré que l’électroporation d’organoïdes encapsulés atteint près de 80% d’efficacité.
Il est ainsi possible de tester beaucoup de mutations en parallèle, dans des plaques à 96 puits, de façon contrôlée, efficace et à moindre coût. « C’est particulièrement intéressant pour étudier les mécanismes de cancérogénèse, initiés par des mutations génétiques ou des synergies de mutations», souligne Xavier Gidrol. La preuve de concept de cette méthode a été validée dans des organoïdes prostatiques ou mammaires, notamment sur le gène P63, bien connu pour être suppresseur de tumeur. Son absence génère, comme vérifié chez les patients, une prolifération chaotique et une architecture 3D anarchique, non visibles dans des expériences 2D…
Prochaine étape ? « Créer et étudier des organoïdes de pancréas, explique le chercheur. Le cancer du pancréas, avec une espérance de survie de 3% à cinq ans, mérite que l’on s’attarde sur ses mécanismes avec des modèles physiologiquement plus pertinents. »