La résistance aux antibiotiques, notamment dans le contexte hospitalier avec les infections nosocomiales qui ne cessent de croître (voir encadré), pose la question du renouvellement des traitements antibiotiques. Le thiopeptide antibiotique Nosiheptide, principalement utilisé comme additif alimentaire pour l'élevage des porcs et des volailles, suscite aujourd'hui un regain d'intérêt pour ses effets contre des pathogènes dits « à gram positifs multi résistants », comprenant entre autres le staphylocoque doré. Un de ses éléments principaux est produit à partir d’une molécule commune, le L-tryptophane, transformé par une chimie plutôt unique. Cette réaction, catalysée par la protéine NosL, consiste, notamment, à rompre une liaison entre deux atomes de carbone de façon radicalaire[1].
« NosL convertit le tryptophane en une molécule précurseur de la synthèse de l’antibiotique, explique Yvain Nicolet, chercheur à l’IBS. Mais elle le fait de façon étonnante, pas à pas, en, coupant un fragment de son substrat et en le faisant migrer de façon très contrôlée vers sa position finale.» Ce mécanisme est d’autant plus étonnant que les fragments en question sont hautement énergétiques et ne doivent pas se perdre au cours de la réaction. Pour observer tout cela, les chercheurs de l’IBS se sont associés au CEA-Inac de façon à mutualiser des techniques complémentaires. « Nous avons combiné la cristallographie aux rayons X, la spectroscopie de résonance paramagnétique électronique et des calculs de chimie théorique, poursuit le chercheur. Si nous ne pouvons pas observer directement tous les états intermédiaires, fugaces et énergétiques, nos résultats sont capables de reconstruire tout le scénario et d’avoir des précisions sur les structures intermédiaires. »
Ces travaux ouvrent la voie à l’obtention de nouveaux antibiotiques avec une manipulation programmée de NosL. « Toutefois, il faudra faire en sorte que le mécanisme que nous avons mis en évidence ne soit pas perdu », souligne Yvain Nicolet.
Ces résultats ont été obtenus dans le cadre du programme
DRF Impulsion.
« Environ 750.000 patients hospitalisés chaque année en France contractent une infection au cours de leur séjour, soit un malade sur vingt, et quatre mille en meurent. Si cette prévalence est stable depuis 2012, celle des cas les plus inquiétants augmente. Entre 2001 et 2017, Santé Publique France a reçu plus de 23.000 signalements, les cas d’infections nosocomiales les plus graves, sur un ensemble de 100.700 patients. Des signalements en hausse en raison de l’augmentation des infections causées par des bactéries résistantes à un ou plusieurs antibiotiques, selon une étude parue ce matin dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Alors que les infections impliquant ces dangereuses bactéries ne représentaient pas plus de 2,5 % en 2001, elles dépassent les 50 % depuis 2012. »
Extrait du journal Le Figaro, 29/08/2018
[1] Cette réaction se fait via un radical, à savoir une espèce chimique instable possédant un ou plusieurs électron(s) célibataire(s)