Selon l'organisation mondiale de la santé, environ 2 milliards de personnes souffrent de déficience en fer (Fe) et en zinc (Zn). La carence en zinc serait responsable d'environ 16% des infections des voies respiratoires inférieures, 18% du paludisme et de 10% des maladies diarrhéiques dans le monde. Ce micronutriment est normalement apporté à l'organisme par la nourriture. Malheureusement, les céréales qui représentent une part importante des apports nutritionnels dans le monde sont pauvres en zinc.
La biofortification des céréales est une méthode prometteuse pour lutter contre la malnutrition dans le monde. Le cas le plus connu est celui du riz doré développé à l'Ecole Polytechnique fédérale de Zurich pour combler des carences en vitamine A. Pour arriver à de tels résultats, il est d'abord important de comprendre le fonctionnement précis de la plante et notamment d'identifier les gènes qui jouent un rôle dans l'accumulation et la distribution des éléments. Ainsi, un consortium rassemblant des chercheurs de différents pays européens s'est formé pour comprendre quels gènes sont impliqués dans le transfert du zinc de la plante-mère vers la partie consommable de la graine.
Cartographie de la distribution du Ca (vert) et du Zn (rouge) obtenue par µPIXE sur la microsonde nucléaire du CEA de Saclay sur des coupes de graines d’Arabidopsis thaliana sauvage (wild type: WT) ou de mutants dont un ou 2 gènes ont été désactivés (HMA2, HMA4). Barre d’échelle: 50 µm. © Camille Larue
L'étude a porté sur la plante modèle Arabidopsis thaliana aussi appelée Arabette des dames, dont le génome est aujourd'hui complètement séquencé. Après des tests préliminaires et en passant en revue la littérature scientifique traitant de l'homéostasie1du zinc chez A. thaliana2, les chercheurs se sont concentrés sur deux gènes : HMA2 et HMA4 (pour HEAVY METAL ATPase). Les transporteurs codés par ces deux gènes ont été localisés au niveau de l'enveloppe de la graine. La création de mutants dépourvus de ces transporteurs montre une très nette diminution de la concentration en zinc dans l'embryon de la graine.
Au sein du consortium, les équipes de l'ECOLAB (CNRS/Univ. Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse), du CEA-Iramis et de l'Institut Paul Scherrer en Suisse ont collaboré pour étudier la distribution et les concentrations locales en zinc dans les graines. Pour ce faire, des techniques spectroscopiques de pointe telles que la micro fluorescence X sur rayonnement synchrotron ou encore l'émission de photons X induite par particules, couplée à de la spectroscopie de rétrodiffusion Rutherford sur la microsonde nucléaire du CEA de Saclay (cf Figure) ont été utilisées. Le blocage du zinc au niveau de l'enveloppe de la graine dans les mutants HMA2et HMA4 a ainsi pu être confirmé.
L'approche interdisciplinaire utilisée dans ce travail alliant la biologie moléculaire à la spectroscopie a permis de mettre en évidence l'implication de deux gènes dans le transfert du zinc dans l'embryon de la graine. Les prochaines étapes du projet sont d'étudier la possible transposition de ces résultats à des plantes d'intérêt agricole telles que le blé ou le riz et de tenter de sur-exprimer ces gènes pour augmenter l'accumulation en zinc.
Processus physiologiques de régulation par lesquels l'organisme maintient les différentes constantes du milieu intérieur nécessaires à son bon fonctionnement.
Many rivers to cross: the journey of zinc from soil to seed. Olsen LI, Palmgren MG. Front Plant Sci. 2014.
The zinc homeostasis network of land plants. Sinclair SA, Krämer U. Biochim Biophys Acta. 2012 ;1823(9):1553-67.