A l'écoute d'une mélodie, le cerveau à l'état de veille utilise les régularités de la séquence de sons pour prédire les sons à venir. Cette capacité de prédiction s'appuie sur un fonctionnement hiérarchique d'un ensemble d'aires cérébrales. Si un son rompt la régularité de la séquence, le cerveau génère alors une série de signaux d'erreurs de prédiction responsables entre autres des réactions de surprise. Au moins deux signaux d'erreur successifs existent : la Mismatch Négativité (MMN) et la P300. La MMN a déjà été observée chez des sujets à l'état non conscient, alors que la P300 serait spécifique du traitement conscient. Que se passe-t-il au cours du sommeil ?
Une équipe du CEA-I2BM de Neurospin, en collaboration avec le centre du sommeil et de la vigilance de l'Hôtel-Dieu à Paris (AP-HP), l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), le Collège de France et les Universités Paris-Sud et Paris-Descartes ont étudié par électro et magnétoencéphalographie (E/MEG) les signaux d'erreurs de prédiction (la MMN et la P300) chez des sujets éveillés et endormis.
Les chercheurs ont invité des volontaires à s'endormir à l'intérieur de la machine de magnéto-encéphalographie de NeuroSpin, en présence de sons répétitifs. Les résultats ont confirmé que la P300 est un marqueur spécifique du traitement conscient des sons, puisqu'elle disparaissait dès l'endormissement. Par contre, la MMN a été observée dans tous les stades de sommeil. Cependant, ce signal n'est que partiellement maintenu puisque certaines aires cérébrales, qui normalement s'activent à l'état éveillé, ne répondent plus au stimulus sonore. Seuls persistent des phénomènes passifs d'adaptation sensorielle, localisés aux aires auditives primaires.
Les chercheurs ont ainsi démontré que, par un défaut de communication entre les aires cérébrales, le cerveau n'est plus capable d'élaborer des prédictions dans le sommeil. Il reste cependant capable de représenter les sons au sein des aires auditives et de s'y habituer s'ils sont fréquents, ce qui explique pourquoi une alarme nous réveille, mais pas le bruit régulier de l'horloge.
Reconstruction des sources cérébrales des signaux d'erreurs à partir des enregistrements en magnétoencéphalographie. Les signaux témoignant d'une erreur de prédiction, la partie intermédiaire de la MMN et la P300, disparaissent dans le sommeil. Seuls les mécanismes passifs d'adaptation sensorielle (les parties précoces et tardives de la MMN), confinés aux aires auditives, persistent. (Les différents temps sont exprimés en millisecondes, ils mesurent le délai de réponse au son).