La compréhension de la complexité des tissus par la caractérisation des programmes génétiques associés aux différents types cellulaires qui les composent représente un défi majeur en biologie des systèmes.
Les récents développements en transcriptomique spatiale résolue (SrT) révolutionnent la capacité à examiner la complexité des tissus sans perdre leur architecture spatiale. Parmi les diverses stratégies disponibles, celles basées sur l'utilisation d'un support physique codé (capturant l'information moléculaire) combinées à l'utilisation du séquençage de l'ADN de nouvelle génération et au traitement par démultiplexage bioinformatique (capacité de séparation des données de séquence des différents échantillons analysés en parallèle) offrent des moyens pour cartographier de vastes sections de tissu et ainsi interroger l'expression génique de manière non biaisée. Différentes solutions technologiques ont été développées, cependant différents obstacles empêchent leur démocratisation : des coûts élevés, une limitation des surfaces physiques utilisées, ou encore une spécificité des instruments à utiliser.
Afin de contourner ces inconvénients, l'équipe SysFate (UMR Génomique Métabolique/Genoscope) en collaboration avec le laboratoire partenarial CellTechs (Sup'Biotech/SEPIA) propose une nouvelle méthode de cartographie tridimensionnelle pour l'analyse de l'activité biologique des tissus.
Dans une étude publiée dans Cell Reports Methods, les chercheurs présentent une méthode associant un système de puces à ADN à double code-barre moléculaire à une technologie de séquençage nouvelle génération pour la transcriptomique spatiale.
A l'aide de cette nouvelle approche méthodologique, ils ont montré dans des organoïdes cérébraux humains, structures tissulaires cérébrales en 3D dérivées de cellules souches, l'expression de 4000 gènes par point de lecture (appelé gexel en référence aux pixels des images numérisées), soit plus du double de ce qui est atteint avec les sondes actuellement commercialisées.
Ils ont identifié dans les organoïdes plus d'une vingtaine de sous-structures tissulaires avec des signatures d'expression génique proche de tissus cérébraux connus comme l'épithélium neuronal ou le cortex cérébral fœtal. La méthode a permis aussi d'étudier individuellement la surexpression de plusieurs gènes d'intérêt dans le tissu et de valider les données par la méthode d'immunofluorescence dans les sections consécutives de tissus.
Crédit : M. Mendoza
L'approche développée par l'équipe SysFate repose d'une part sur un système de double code-barre ADN qui assure l'identification précise de la localisation dans l'espace de chaque point du tissu, avec un nombre limité de sondes ADN, et d'autre part sur l'exploitation des technologies de séquençage ADN de dernière génération et les développements bio-informatiques d'analyse de ces données de séquençage pour la reconstitution d'une image tridimensionnelle révélant les différences d'expression génique dans le tissu.
Cette méthode présente une alternative économique et efficace pour étudier la régulation génique à l'échelle spatiale. Elle permet une analyse fine des tissus, identifiant des signatures moléculaires spécifiques à des emplacements précis, et cela sans équipement spécifique, facilitant ainsi son application pour l'analyse de tissus biologiques complexes en condition physiologique ou pathologique.