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Exposition aux phtalates pendant la grossesse et méthylation de l’ADN


​Une nouvelle étude publiée dans Environment International et à laquelle le LEE a participé (CNRGH), a caractérisé les associations entre les concentrations de onze métabolites dérivés de phtalates dosés dans les urines maternelles obtenus pendant la grossesse et la méthylation de l'ADN placentaire. Cette analyse a été réalisée à partir d'échantillons obtenus de la cohorte française mère-enfant EDEN.

Publié le 8 mars 2022

Le placenta joue un rôle fondamental dans le concept de l'origine développementale de la santé et des maladies ou DOHaD1 (Developmental Origins of Health and Disease). Outre le transport des nutriments et des déchets entre la mère et le fœtus, le placenta affecte la programmation et l'établissement du phénotype fœtal. Il existe de plus en plus de preuves que l'épigénétique joue un rôle important dans ce processus. La mise en place des modifications épigénétiques placentaires pendant le développement embryonnaire peut être sensible à différents facteurs environnementaux, tels que les produits chimiques, dont plusieurs ont été associés à différents troubles du développement, à des anomalies congénitales et à des problèmes de santé infantile.

Les phtalates sont des composés chimiques, largement utilisés dans une vaste gamme de produits de consommation comme certains cosmétiques, des emballages alimentaires et dans la quasi-totalité des produits en polychlorure de vinyle (PVC). Il a été démontré que certains phtalates traversent la barrière placentaire et peuvent induire des changements dans l'homéostasie cellulaire. Il existe également de plus en plus de preuves épidémiologiques que l'exposition pendant la grossesse à plusieurs phtalates peut être associée à la modification de différents paramètres épigénétiques placentaires, telle que la méthylation de l'ADN. Néanmoins, les études épidémiologiques sur les associations entre l'exposition aux phtalates pendant la grossesse et les marques de méthylation de l'ADN dans le placenta sont rares.

Dans ce contexte, une nouvelle étude internationale2, impliquant le LEE (CNRGH), a caractérisé les associations entre les concentrations de onze métabolites dérivés de phtalates dosés dans les urines maternelles obtenus pendant la grossesse et la méthylation de l'ADN placentaire. Cette analyse, publiée dans la revue Environment International, a été réalisée à partir d'échantillons obtenus de la cohorte française mère-enfant EDEN. Les urines maternelles ont été prélevées entre la 22e et la 29e semaine de la période de grossesse chez 202 femmes enceintes. Les taux de méthylation de l'ADN ont été analysés à partir d'ADN extrait du tissu placentaire (face fœtale) prélevé lors de l'accouchement.

Dans un premier temps, les chercheurs ont évalué la méthylation globale de l'ADN par analyse des séquences nucléotidiques répétées Alu et LINE-1. Ils ont ensuite réalisé une étude d'association à l'échelle de l'épigénome (EWAS)3 plus poussée à l'aide de puces Infinium Human Methylation450 (Illumina) pour caractériser l'état de méthylation des motifs CpG (450 000 motifs au total) afin de les relier aux concentrations des métabolites de phtalates dosés. Ils ont ainsi pu identifier des régions différentiellement méthylées, les DMRs (régions contenant plusieurs CpGs modifiés de façon significative) associées à l'exposition aux phtalates.

Parmi les métabolites produits, ils ont constaté que les concentrations de mono-phtalate de benzyle (MBzP) pouvaient être associées à une diminution de la méthylation des séquences répétées Alu.

De plus, nombreux phtalates étudiés étaient associés à une méthylation accrue de l'ADN de plusieurs DMRs. Pour deux des métabolites (MBzP et MEHP), une diminution de la méthylation de trois DMRs a été observée. Les régions identifiées englobaient 23 gènes codant entre autre pour des protéines de choc thermique, des facteurs de transcription, et des facteurs d'échange de nucléotides.

Il est intéressant de noter que quatre de ces 23 gènes ont été précédemment identifiés comme associés au tabagisme maternel, suggérant que ces régions génomiques pourraient être particulièrement sensibles à l'effet des contaminants environnementaux.

L'ensemble des résultats décrits dans cet article représente la première description de modifications à l'échelle du génome de la méthylation de l'ADN placentaire en association avec l'exposition aux phtalates pendant la grossesse.

Cette étude suggère la mise en place de mécanismes épigénétiques dépendant de l'exposition aux phtalates pendant la grossesse et pouvant potentiellement affecter le développement du fœtus.

 


1 : ce concept est fondé sur l'existence d'une mémoire des facteurs de l'environnement prénatal pouvant être à l'origine d'une prédisposition ou résistance à certaines pathologies chez l'adulte.

2 :  avec les Universités de Grenoble Alpes et de Paris, le National Center for Environmental Health (Atlanta, USA), et la Harvard School of Medicine (Boston, US)

3 : une étude d'association à l'échelle de l'épigénome est un examen d'un ensemble de marques épigénétiques quantifiables à l'échelle du génome, telles que méthylation de l'ADN, chez différents individus pour dériver des associations entre la variation épigénétique et un phénotype identifiable.


Contact chercheur : Jörg Tost tost@cnrgh.fr 

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