Les cohortes de neuroimagerie-génétique en population générale rassemblent deux types de données: l'imagerie cérébrale et les données génétiques. Ce sont des outils uniques et précieux pour découvrir des associations entre des variants génétiques et des caractéristiques issues de l'imagerie du cerveau (concept d'endophénotypes*). Ce sont également des ressources inestimables pour étudier l'influence relative de la génétique et de l'environnement sur la variance des caractéristiques cérébrales observées dans les populations normales et pathologiques. L'analyse de telles cohortes permet de rechercher des associations génétiques avec des caractéristiques plus précoces ou plus fiables que les phénotypes classiques binaires, comme les diagnostics observables sur un individu.
La cohorte en population générale UK Biobank qui contenait 16.304 sujets à la date de l'étude est actuellement le meilleur exemple au monde de l'utilisation que l'on peut faire de ce type d'outils. Cette cohorte a permis aux chercheurs de l'étude de mener, à l'échelle du génome, une analyse des haplotypes (séquences de plusieurs variants contigus hérités du même parent) pour la valeur d'ouverture de 123 sillons cérébraux (les sillons ou sulci sont les dépressions longilignes observées à la surface du cortex, dont l'ouverture augmente avec l'âge). Une première originalité du travail tient au fait que les études d'association sont généralement menées pour chaque variant génétique pris individuellement et, lorsque des études haplotypiques sont menées, elles le sont sur des portions très limitées du génome, pour des raisons de charges computationnelles. La seconde originalité tient à l'endophénotype analysé, à savoir l'ouverture des sillons répartis sur tout le cortex, qui est un indicateur du vieillissement cérébral.
À l'aide de cartes génétiques, les chercheurs ont défini 119 548 blocs à faible taux de recombinaison répartis le long des 22 chromosomes autosomiques et analysé 1.051.316 haplotypes. Ils ont ainsi confirmé la particularité génétique de la région régulatrice du gène KCNK2 situé sur le chromosome 1 et son association avec l'ouverture des sillons du cortex cingulaire. Ils ont également mis en lumière trois autres régions génomiques d'intérêt (sur les chromosomes 9, 12 et 16), dont l'association trouvée a pu être confirmée indépendamment sur environ 5000 sujets extérieurs à la cohorte.
Volumes intérieurs des sillons corticaux dont l'ouverture a été étudiée. Les sillons colorés sont ceux qui ont été trouvés associés avec une région haplotypique du chromosome 1. Code couleur : niveau de significativité d'association. © S Karkar, E Le Floch, V Frouin /CEA
Ces travaux ont permis de cartographier les sillons qui présentent une variabilité d'ouverture pouvant être expliquée partiellement par des régions du génome. Ils ont aussi permis de comparer les intérêts relatifs des méthodes d'association classiques avec l'approche haplotypique choisie ici, montrant en particulier que les analyses d'haplotypes à l'échelle du génome sont plus sensibles que les approches par SNP** (Single Nucleotide Polymorphism) et représentent une alternative intéressante et statistiquement solide.
Contact : Vincent Frouin
* Le concept d'endophénotype a été créé dans le but de catégoriser les troubles complexes, principalement mentaux, en manifestations intermédiaires plus simples, stables et mesurées avec précision par neuroimagerie, qui ont un lien génétique avéré avec la maladie.
** Les SNP (Single Nucleotide Polymorphism) constituent la forme la plus abondante de variations génétiques dans le génome humain. Ils représentent plus de 90% de toutes les différences entre individus. C'est un type de polymorphisme de l'ADN dans lequel deux chromosomes diffèrent sur un segment donné par une seule paire de bases.