Les chromosomes, porteurs de notre information génétique, peuvent subir des modifications parmi lesquelles des fusions, qui résultent en la réunion de deux chromosomes en un seul. Ces fusions menacent l'intégrité du génome et favorisent le cancer en engageant des processus mutationnels catastrophiques. Les fusions chromosomiques sont fréquentes dans les cellules qui présentent des dysfonctionnements au niveau de leurs télomères ou qui sont exposées à des cassures double-brin de l'ADN, par exemple lors d'une exposition à des radiations ionisantes. En revanche, dans les cellules non perturbées, les fusions de chromosomes sont beaucoup moins fréquentes mais leur occurrence, et donc leur contribution à l'instabilité du génome, reste inconnue.
Des chercheurs de l'UMR Stabilité Génétique, Cellules Souches et Radiations de l'IRCM (CEA-Jacob) et du CNRGH (CEA-Jacob) ont construit un test génétique capable de capturer et quantifier les fusions chromosomiques rares. Développé dans un modèle cellulaire simple, la levure Saccharomyces cerevisiae, ce test de capture de fusion chromosomique (CFC) est suffisamment sensible pour quantifier le taux de base des fusions de chromosomes qui se produisent dans des cellules non perturbées.
Lorsque des chromosomes fusionnent, le chromosome résultant possède 2 centromères ce qui le rend instable et donc impossible à étudier. Le test CFC repose sur l'inactivation contrôlée du centromère du chromosome 6 : en cas de fusion du chromosome 6 avec un autre chromosome, le nouveau chromosome formé possède un unique centromère et la cellule survit. Il devient alors possible d'isoler ce nouveau chromosome pour le séquencer et caractériser les points de fusion, mais aussi de quantifier les fusions chromosomiques. Le test CFC a permis d'estimer qu'une cellule sur dix millions est concernée par une fusion du chromosome 6 en absence de perturbation, un taux indétectable auparavant.
Les chercheurs se sont intéressés aux facteurs susceptibles d'augmenter la fréquence des fusions chromosomiques. Ils montrent que les fusions chromosomiques sont le produit de la voie de réparation des cassures double-brin de l'ADN par simple jonction des extrémités (NHEJ pour Non-Homologous End-Joining) et sont favorisées par une instabilité des télomères. Les chercheurs montrent également que le test CFC peut être utilisé pour quantifier les fusions chromosomiques consécutives à une exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants. Les résultats suggèrent qu'une seule interaction photon-matière peut provoquer une fusion de chromosome.
Une seule interaction photon-matière peut provoquer deux
cassures double-brin de l'ADN. Leur réparation par la voie du NHEJ peut produire
par accident une fusion de chromosomes, menaçant l'intégrité du génome.
Les mécanismes sous-jacents à l'origine de ces réarrangements chromosomiques sont probablement conservés dans l'évolution de la levure aux mammifères. Le test CFC constitue une base pour mieux comprendre les mécanismes moléculaires impliqués chez l'Homme.
Ces résultats, publiés dans Nucleic Acids Research ouvrent la voie à une collaboration avec l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire). L'objectif sera de comprendre et modéliser les mécanismes moléculaires impliqués en poursuivant l'étude sur des cellules humaines, pour mieux évaluer l'impact à long terme de l'irradiation à basse densité et, par conséquent, les risques associés à la radiographie médicale et à l'utilisation de l'énergie nucléaire.
Le test CFC, simple et sensible, pourrait également être utilisé pour explorer l'importance d'autres causes d'instabilité du génome.